Intervention de Eva Sas

Réunion du 30 septembre 2013 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Vous ne manquez pas d'audace, monsieur Woerth, en qualifiant cette réforme d'injuste, alors que, en reculant l'âge légal de départ, la vôtre faisait porter tout l'effort de financement sur les salariés qui avaient commencé à travailler tôt.

Cette réforme des retraites, la première à être proposée par un gouvernement de gauche depuis longtemps, est bien plus équilibrée que celle de 2010 : elle tourne le dos au report de l'âge légal, elle abandonne la piste de l'augmentation de la CSG et elle propose la possibilité pour les femmes de valider des trimestres supplémentaires de congés maternité et de temps partiels ; elle traite enfin la question de la pénibilité, restée si longtemps en suspens, mais elle aurait pu aller beaucoup plus loin en la matière. Elle pose cependant deux problèmes majeurs : elle exonère les entreprises de l'effort collectif ; elle repose, au-delà de 2020, sur l'allongement de la durée de cotisation.

Le Gouvernement a fait le choix d'exonérer les entreprises de l'effort collectif en prévoyant, comme il vient de l'annoncer, de compenser entièrement la hausse des cotisations des entreprises. Le souci légitime de préserver les PME dans un contexte économique difficile ne justifie pas d'exonérer toutes les entreprises de l'effort collectif, y compris les plus grandes et celles qui réalisent des bénéfices importants. D'autres solutions sont envisageables, comme une hausse de la contribution sur les dividendes. Celle-ci aurait le double avantage de préserver les PME, puisqu'elle n'est due que par les entreprises de plus de 250 salariés, et d'avoir un rendement significatif : à son taux actuel de 3 %, elle devrait déjà dégager 1,6 milliard d'euros de recettes en 2013. Malheureusement, le Gouvernement a choisi de ne faire reposer le financement de la réforme que sur les ménages.

Dans la situation de chômage que nous connaissons, allonger la durée de cotisation, c'est remplacer des retraités par des chômeurs, moins bien indemnisés. En maintenant plus longtemps les seniors sur le marché de l'emploi, la précédente réforme a déjà contribué à une croissance exceptionnelle de la population active de 224 000 personnes en 2012. Parallèlement l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce – UNEDIC – a estimé l'impact de cette réforme à 30 000 demandeurs d'emploi supplémentaires et un coût de 440 millions d'euros annuels pour l'assurance chômage. Maintenir les seniors sur un marché du travail toujours saturé ne peut qu'alimenter le chômage endémique qui mine la société française. C'est pourquoi nous déposerons des amendements visant à conditionner l'allongement de la durée de cotisation à un examen de la situation de l'emploi : il nous paraît impossible de mettre en oeuvre un tel allongement sans mesurer sérieusement son impact sur le taux de chômage.

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