Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 25 septembre 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

La Délégation m'a confié le rapport d'information qui doit être présenté en son nom sur le projet de loi visant à garantir l'avenir et la justice du système de retraites. En 2010, la Délégation avait, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, déjà analysé la précédente réforme des retraites ; elle a donc une expérience sur ce sujet.

Tout d'abord, les inégalités de pensions persistent entre les hommes et les femmes, malgré l'augmentation de l'activité professionnelle des femmes. Si le différentiel de salaires s'établit autour de 27 %, le différentiel en matière de retraites s'élève à 47 % si on prend en considération les droits propres des femmes, 34 % si on inclut dans le calcul les droits conjugaux bénéficiant au conjoint survivant. Outre un niveau de pension plus bas pour les femmes, celles-ci partent plus tardivement en retraite et sont frappées plus fréquemment par le mécanisme de la décote. Le mode de calcul des retraites, basé sur les vingt-cinq meilleures années, leur est défavorable ; le calcul de la retraite lors de la liquidation obéit en fait à un modèle privilégiant les carrières linéaires et complètes, majoritairement masculines, ce qui ne correspond plus au cas de nombreux salariés, et en particulier des femmes.

Je souligne que, malgré le temps imparti très court, nous avons pu conduire plusieurs auditions. J'ai pu entendre les représentants des syndicats de salariés et d'employeurs. La ministre des Affaires sociales, Mme Marisol Touraine, a été entendue par la commission des Affaires sociales, audition à laquelle j'ai assisté. La délégation avait également entendu, avant l'été et en septembre, M. Hadas-Lebel, président du Comité d'orientation des retraites, Mme Moreau, présidente de la commission sur l'avenir des retraites, ainsi que M. Bosio, directeur de l'Institut des politiques publiques. Je rappelle que nous avions en outre abordé le sujet des retraites des femmes avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, lors de son audition par la Délégation le 18 juin dernier. Enfin, j'ai pu entendre des chercheures spécialisées dans le droit social et particulièrement attentives à la situation des femmes comme Mme Carole Bonnet, dont l'analyse est très pertinente.

Aujourd'hui, 52 % des femmes partent en retraite avec une pension à hauteur du minimum contributif. Les inégalités salariales, même si elles ont progressivement diminué, ne sont toujours pas résorbées. Un autre phénomène est très défavorable aux retraites des femmes : le développement du temps partiel depuis les années 1990, qui ne procure aux femmes qui occupent ces postes que de faibles salaires, et donc de faibles droits à retraite.

Certes, il est impossible de compenser par la loi toutes les inégalités liées à une carrière professionnelle, mais encore faut-il ne pas les aggraver au moment de la retraite. Car je rappelle que les précédentes réformes ont comporté des éléments aggravant la situation des femmes.

Le projet de loi sur les retraites qui nous est présenté par le Gouvernement marque une réelle nouveauté puisque pour la première fois, la thématique de la retraite des femmes est venue au premier plan de la scène. Une enquête d'opinion commandée par le Laboratoire pour l'égalité, pour lequel j'ai entendu Mme Olga Trotiansky en qualité de représentante, montre que les Français sont devenus très sensibles aux inégalités de pensions : 91 % des personnes interrogées jugent anormal que les pensions de retraite des femmes restent encore inférieures à celle des hommes à l'horizon 20402050 (l'écart de pension devrait en effet rester de 20 % en 2040 pour la génération née dans les années 70). Il y a une conscience aujourd'hui que les retraites des femmes posent un véritable problème.

La présente réforme prend réellement en considération la question de l'inégalité des retraites entre les femmes et les hommes.

Il faut rappeler que la présentation du projet de loi a été précédée d'un temps de réflexion et de concertation. La grande conférence sociale tenue en juillet 2012 a donné lieu à une feuille de route ; le Conseil d'orientation des retraites a posé un diagnostic de l'état des lieux du système français ; la commission présidée par Mme Yannick Moreau a proposé des pistes de réforme dans un rapport très complet. Enfin, le Gouvernement a consulté les partenaires sociaux à la fin du mois d'août.

Ce projet de loi annonce, dès son exposé des motifs et son article 1, l'objectif de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes. Il prévoit la création d'un comité de surveillance paritaire qui aura notamment pour tâche de veiller aux inégalités de pensions et de proposer des correctifs, le Conseil d'orientation des retraites (COR) ayant considéré qu'il ne lui appartenait pas de jouer ce rôle. Ce sera une structure légère de quatre personnes, et paritaire. Nous profiterons de cette création, prévue à l'article 3 du projet de loi, pour proposer un amendement visant à assurer la parité au sein du COR, qui ne comprend que très peu de femmes sur les 40 membres.

Le texte instaure une nouvelle règle pour la validation des trimestres correspondant à la maternité, qui sera plus avantageuse pour les femmes. La mesure « phare » du projet est selon moi la meilleure prise en compte des carrières à temps partiel ou à faible rémunération, grâce à l'abaissement du seuil de validation d'un trimestre à partir de 150 heures rémunérées au SMIC contre 200 heures jusqu'à présent. De plus, les cotisations non utilisées pour la validation d'un trimestre pourront être reportées sur l'année suivante ou précédente. Cela permettra d'éviter à de nombreuses femmes qui ont des petits temps partiels de cotiser à fonds perdus. Cette mesure me paraît être une grande avancée aussi pour les jeunes, par exemple aux étudiants qui travaillent pendant les congés d'été.

Cette disposition m'a paru essentielle, car elle permet à des personnes travaillant 11,5 heures par semaine de pouvoir valider un trimestre, au lieu de 15 heures jusqu'à présent. La délégation doit s'emparer de ce sujet très important : je proposerai d'ailleurs d'abaisser encore ce seuil à 100 heures SMIC afin de renforcer l'impact positif de cette mesure ; mais il faut évidemment faire preuve de prudence, car il ne faut pas encourager le recours au temps partiel.

Le nouveau dispositif ne pourra pas prendre en considération les trimestres déjà travaillés, et n'aura donc que peu d'impact pour les salariés qui sont proches de l'âge de la retraite. Je regrette que l'impact de la mesure ne puisse se ressentir plus rapidement ; cependant, les réponses qui m'ont été données par le ministère des Affaires sociales indiquent qu'il serait impossible de retracer les cotisations versées par les salariés pour les heures non « validées », et a fortiori pour de nombreuses années de travail. Cependant, il faut souligner la deuxième avancée que représente la possibilité de prendre en compte les cotisations non utilisées pour la validation d'un trimestre pour les reporter sur l'année suivante ou sur la précédente si ces années comptent moins de quatre trimestres travaillés ; est donc mis en place un système d'annualisation du calcul des 150 heures SMIC qui est très favorable aux femmes et aux jeunes.

Le projet de loi permet aussi d'améliorer les droits des conjoints collaborateurs qui sont majoritairement des femmes et qui seront mieux protégés en cas de divorce, de décès ou de départ à la retraite du chef d'entreprise ou du professionnel libéral. Quant aux aidants familiaux – souvent des femmes – en charge d'un adulte dépendant, ils pourront désormais bénéficier d'une majoration de durée d'assurance.

Une autre mesure importante réside dans la création d'un compte personnel pénibilité, qui s'appuiera sur les fiches de prévention mises en place à la suite de la réforme des retraites du 9 novembre 2010. Le compte pénibilité, qui fonctionnera en points acquis, pourra être utilisé par le travailleur pour trois usages : soit suivre une formation permettant d'accéder à un emploi non pénible, soit travailler à temps partiel à la fin de sa carrière, soit enfin partir à la retraite plus tôt. Il s'agit là d'un élément très favorable.

Cependant, et j'insiste beaucoup sur ce point, il conviendra de s'assurer que les métiers majoritairement exercés par des femmes, dans le domaine de l'aide à la personne et la santé, qui comportent une pénibilité, soient bien pris en compte. La vision selon laquelle les métiers pénibles seraient essentiellement masculins doit être combattue. Si l'on prend l'exemple du maçon qui soulève des charges lourdes, personne ne doute qu'il s'agit d'un métier pénible ; mais si l'on prend une femme travaillant dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui soulève des personnes en perte d'autonomie, c'est beaucoup moins évident.

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