Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 25 septembre 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

L'accord obtenu sur la pénibilité est le fruit de cinq ans de négociations, et la question des risques psychosociaux est très délicate ; il n'était donc pas possible d'aller plus loin. Je souhaiterais que la délégation travaille dans les prochains mois sur le droit actuel relatif à la pénibilité et son évolution, afin de vérifier si la pénibilité des emplois majoritairement occupés par des femmes est bien prise en compte. En 2010, la pénibilité a été liée à la notion d'invalidité, pendant les années de travail ou au moment de la retraite. L'on peut s'appuyer dans cette démarche sur le constat de biais discriminants, dressé par le rapport « Comparer les emplois : de nouvelles pistes vers l'égalité salariale entre les femmes et les hommes » commandé par le Défenseur des droits et publié en 2010, qui mettait notamment en évidence la discrimination salariale des emplois occupés majoritairement par des femmes, pour un travail de valeur comparable. À cet égard, il me paraîtrait bon que lors des négociations entre les partenaires sociaux, les délégations syndicales soient paritaires, pour éviter les distorsions dans la prise en compte des situations vécues par les travailleurs hommes et femmes. Il est nécessaire de poursuivre les discussions entre partenaires sociaux sur la notion de pénibilité. Beaucoup a déjà été fait pour améliorer les conditions de travail des femmes, notamment par des mesures d'ergonomie. Le but de ces discussions est de progresser encore, non de compliquer la tâche des entreprises.

J'en viens à la réforme des droits familiaux évoquée par le rapport de la commission sur l'avenir des retraites présidée par Mme Moreau mais dont vous savez qu'elle a été repoussée à une date ultérieure, en principe 2020. Le seul élément nouveau sera la fiscalisation de la majoration de 10 % pour les parents de trois enfants et plus. Cette bonification profite aux pensions les plus élevées, et donc beaucoup aux pères. Elle devrait donc être réformée. Certaines associations préconisent de s'attaquer aussi à une réforme du quotient conjugal.

Sur la question du report du taux plein à 67 ans en 2017, mon rapport reprend la position antérieure de la délégation, qui s'y était opposée. Je propose d'adopter une recommandation demandant que soit étudié le retour au taux plein à 65 ans, afin de ne pas pénaliser davantage les femmes, qui sont nombreuses à ne pas avoir de carrières complètes et doivent travailler plus longtemps que les hommes. Il ne m'a pas été possible d'obtenir une étude sur l'impact financier qu'aurait le retour de l'âge du taux plein à 65 ans. À défaut, il faudrait au moins obtenir la suppression de la décote, ou la diminution du taux de cette décote, qui s'élève à 1,5 % par an. J'aimerais que l'économie réalisée par ce report à 67 ans soit chiffrée, car il faut certainement trouver un équilibre entre notre objectif de rétablissement des comptes sociaux d'une part, et le fait d'assurer aux femmes des conditions de vie correctes à la retraite. Si cette économie devait s'élever à 3 milliards d'euros comme je l'ai entendu dire, il s'agirait de 3 milliards venant, en pratique, en défaveur des femmes.

Je proposerai aussi de modifier le mode de calcul des années prises en compte dans le calcul du salaire moyen afin de ne pas le considérer en absolu, c'est-à-dire les 25 meilleures années, méthode très défavorable aux femmes, mais en fonction du nombre d'années de carrière concrètement réalisées, en pratiquant une proratisation par rapport à une carrière complète.

Enfin, j'attire l'attention sur l'avenir de la situation des femmes, en lien avec les évolutions sociétales que nous constatons : de moins en moins de couples se marient, et les séparations nombreuses font que les retraitées seront de plus en plus des célibataires ou des personnes divorcées. Ces personnes ne percevront pas de pension de réversion ou de droits familiaux et risquent une vraie paupérisation. Il est dans le rôle de la délégation de relayer les alertes des experts, lorsque les évolutions en cours sont susceptibles d'avoir un impact défavorable sur la situation des femmes. Cet impact interviendra assez rapidement, car il touchera les générations nées à partir des années 1970, donc nos actuelles quadragénaires.

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