Intervention de Alain Dieckhoff

Réunion du 17 septembre 2013 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Alain Dieckhoff :

Merci de votre invitation. Nous venons de passer le cap des vingt ans des accords d'Oslo. Ce fut un moment où beaucoup ont pu penser, sur place ou à l'extérieur, que nous étions au début d'un processus pouvant conduire à la solution d'un conflit qui durait depuis 1948, voire avant, une sort de guerre de cent ans moderne.

Quel bilan peut-on dresser de ces accords ? Je ne pense pas qu'à l'époque de leur signature, on pouvait dire qu'Oslo était conceptuellement négatif. A l'époque, c'était la seule chose envisageable. C'était Oslo ou rien du tout. Le processus de Madrid, qui avait été engagé en octobre 1991 sous l'égide des États-Unis et combinait négociations bilatérales et forum multilatéral sur des questions comme les réfugié, l'eau ou l'économie était perdu dans les sables. Une voie parallèle s'était alors développée sous les auspices de Shimon Peres et d'Abou Ala, lequel avait commencé au début de l'année 1993 et avait abouti quelques mois plus tard, au mois de septembre. Beaucoup furent surpris d'une telle issue à cette époque. L'enthousiasme était grand car on sortait de l'impasse des négociations qui avaient débuté deux années auparavant. Oslo était un accord sur 5 ans, durée au bout de laquelle on espérait qu'une résolution soit adoptée sur le statut final. On avait choisi de traiter plus tard les questions difficiles comme les réfugiés, Jérusalem ou l'économie. On a pu continuer, par la suite, ce caractère intérimaire et la méthode retenue mais c'était assurément ce qu'il fallait faire car, dans le cas contraire, on n'aurait rien eu du tout. C'était la seule chose possible.

Le problème, c'est que, rapidement, il y a eu un déficit dans ma mise en oeuvre des accords. Il y a eu une tension entre le texte des accords – l'accord de septembre 1993 mais aussi les textes ultérieurs – et la logique qui était le principe d'une reconnaissance mutuelle et de celle des droits légitimes du peuple palestinien. Implicitement, ces principes ont laissé penser que la logique des accords était la constitution d'un État palestinien. Or, ce n'est pas la lettre du texte. Par conséquent, un point laissé de côté a vite pesé sur la mise en oeuvre de l'accord. Ce point, c'est la poursuite de la politique de développement israélien. Ce n'était pas contraire à la lettre du texte mais à son esprit sous-jacent. Et cela a beaucoup joué dans l'échec d'Oslo. Les espoirs palestiniens d'un État souverain ont été anéantis et, d'ailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes : il y avait 110.000 Israéliens dans les territoires occupés en 1993, il y en avait 200.000 en l'an 2000, avant le déclenchement de la seconde intifada. Cela a créé de nombreux problèmes politiques, d'autant plus que si une part de l'opinion publique a soutenu les accords, une autre l'a contestée dès le début. C'est le cas du Hamas qui s'est engagé dans des attentats. Ce fut aussi le cas de la droite israélienne avec le Likoud.

Cela me conduit à évoquer un autre point : à mon sens, une des failles des accords a été leur trop grande dépendance envers les leaders politiques. L'assassinat de Rabbin en 1995, à d'ailleurs été un tournant même si on ne peut pas affirmer qu'on aurait eu deux États s'il n'avait pas été tué. Souvenez-vous qu'au début de 1996, de violents attentats ont permis de porter au pouvoir Benjamin Netanyahou quelques mois plus tard. Voilà ce que j pouvais ide sur le bilan.

Ce qui reste aujourd'hui, c'est un certain nombre de principes ; la reconnaissance mutuelle, celle des droits légitimes du peuple palestinien et la possibilité de créer un Etat. Paradoxalement, la réalisation pratique d'une solution à deux Etats est aujourd'hui plus éloignée qu'il y a quinze ans, mais le fondement théorique d'un accord de paix est plus clair. Après Oslo, il y a eu diverses négociations, Camp Davis en juillet 2000, avec Barak et Arafat autour de Clinton, puis les accords de Taba, de Genève en 2003 e donc, de façon théorique, on a apporté des réponses aux différentes questions, sur les colonies, les réfugies, ou autres. D'une certaine manière, on a plus qu'une feuille de route et on a progressé sur le papier, même si sur le terrain, on s'est éloigné de la concrétisation de cette solution, bien que l'Autorité palestinienne existe, si elle exprime la soif des Palestiniens envers un Etat, s'ils ont une certaine autonomie, on n'est plus comme en 1973, l'armée n'est jamais loin et la colonisation a augmenté.

Quelles sont les leçons à tirer de cet échec ? Les capitales peinent à maîtriser la dynamique diplomatique. On a essayé en 1994 et 1995 ; on a ressayé en 2000, en 20062007, avec Olmert, mais cela n'a jamais été très loin, de même que l'initiative de John Kerry ne devrait pas non plus aller bien loin. On a aujourd'hui de la difficulté à imaginer des négociations fructueuses sur la solution des deux Etats. Entre autre, parce qu'on a changé d'époque, la configuration régionale n'est plus la même, celle des sociétés non plus. En Israël, la plupart des gens vivent comme s'il n'y avait pas de conflit : il est proche, mais il a disparu mentalement. La société israélienne est dépolitisée et se désintéresse de la question. Elle vit en vase clos, a des contacts avec les Etats-Unis, l'UE, des échanges commerciaux avec l'Asie et elle a le sentiment que le prix à payer pour une solution serait trop lourd, que le statu quo convient, en tout cas sur le moyen terme. Il y a un consensus général sur cela. D'ailleurs, aux dernières élections de cette année, on n'a pas parlé de paix, mais d'économie, de religion, et le processus de paix a été quasiment absent. En d'autres termes, la société a tourné le dos à son environnement et s'en est distanciée. Beaucoup de gens pensent que ce n'est pas important aujourd'hui.

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