Intervention de Alain Dieckhoff

Réunion du 17 septembre 2013 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Alain Dieckhoff :

Je vais d'abord répondre aux questions concernant la situation intérieure d'Israël. Les camps politiques s'y sont beaucoup transformés depuis quinze ans. L'implosion du processus de paix, avec la multiplication des attentats et la deuxième Intifada à partir de 2000, a décrédibilisé la gauche israélienne, car c'est elle qui avait mis en avant la solution des deux États, à laquelle les israéliens ne croient plus. Les Travaillistes se sont donc effondrés, mais il y a eu aussi une redistribution à droite, avec l'émergence de partis centristes incarnés successivement par des personnalités comme M. Sharon, M. Olmert et Mme Livni, qui au fond sont plutôt favorables à la négociation et à la solution des deux États, tandis que le Likoud et les forces encore plus à droite ont vu dans l'échec du processus de paix la confirmation de leurs convictions profondes.

La désillusion des gens de gauche a pour conséquence qu'ils ne s'engagent plus dans le combat pour la paix. Ceci explique cette situation assez paradoxale où la majorité de la population est favorable à la solution des deux États, mais où rien ne se passe. En fait, cette même majorité pense que cette solution est acceptable sur le principe, mais totalement irréalisable à cause de ce qu'elle impliquerait en termes de discorde civile en Israël. Comment imaginer que l'on puisse évacuer 350 000 colons sans que cela n'entraîne une grave crise interne ?

Pour ce qui est de la démographie, on n'est maintenant pas loin de la parité entre Juifs et Arabes, entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Mais pour arriver à ce résultat, il faut compter, parmi les Arabes, outre les habitants de Gaza et de la Cisjordanie, ceux de Jérusalem-Est et 1,2 million d'Arabes israéliens, lesquels se définissent de plus en plus comme Palestiniens. Il y a donc d'un côté un groupe homogène en termes de statut, de l'autre des statuts différents, plus ou moins enviables. Du point de vue israélien, c'est une situation gérable, car on estime qu'un front commun de toutes ces catégories de Palestiniens, aux situations très différentes, est improbable, du moins à l'échéance de quatre ou cinq ans. Or, les décideurs israéliens ne se projettent pas à plus long terme.

La question de l'incidence des évènements récents dans les pays voisins a été posée. Pour ce qui est de la Syrie, les interférences sont très limitées. Il y a juste eu quelques tentatives d'incursion de réfugiés, sans doute manipulés par le régime syrien, sur le Golan. Par ailleurs, certains combats, notamment à Dera, sont proches et des obus peuvent tomber sur le Golan. Pour ce qui est de l'Egypte, l'impact est plus important. D'une part, l'arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi avait renforcé le lien entre l'Egypte et Gaza, et, à cet égard, Israël ne peut que voir positivement la reprise en mains par l'armée qui va rompre ce lien. D'autre part et surtout, les Israéliens sont très inquiets de la situation sécuritaire au Sinaï, qui est devenu une zone de non-droit où prospèrent des groupes extrémistes. La réponse israélienne face à ces menaces, jusqu'à présent, a consisté à renforcer la sécurité des frontières.

La mise en oeuvre possible d'un contrôle sur les armes chimiques syriennes est une bonne chose pour Israël, lequel n'est pas signataire de la convention sur ce type d'armes et voit là une neutralisation d'une menace potentielle. Si cela se concrétise, ce sera donc intéressant pour Israël.

Je n'ai jamais été impressionné par l'action de l'Union européenne dans la région. Il y a eu beaucoup de discours mais peu de choses produites. Seule la diplomatie du chéquier a fonctionné même si, à l'époque du premier émissaire, Miguel Angel Moratinos, il y avait eu plus d'activisme. Le rapport des consuls européens ont eu peu d'effets sur le terrain.

Obama a essayé de s'engager sur le terrain des colonies. Il s'est rendu compte qu'il n'avait rien pu faire bouger et n'a pas voulu aller plus loin au cours de son second mandat. Succédant à Hillary Clinton, John Kerry a voulu s'impliquer et on ne peut que saluer cela mais si cela ne mènera pas très loin. On risque d'arriver rapidement à une impasse.

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