Intervention de Aurélie Filippetti

Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30
Non-intégration de la livraison dans le prix unique du livre — Article unique

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur Tardy, l’objectif du Gouvernement est de concilier la défense de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie avec notre exigence de défense de l’esprit de la loi sur le prix unique du livre, qui a permis cette bibliodiversité.

Il n’est donc pas question d’interdire ni d’entraver des pratiques commerciales prévues dès l’origine dans la loi de 1981 avec le rabais de 5 %. Il ne s’agit pas non plus, pour répondre au rapporteur, de nous opposer à la liberté du commerce et de l’industrie, fondement de la négociation commerciale entre les vendeurs, les détaillants et leurs prestataires de distribution tels que La Poste.

Votre amendement, monsieur le rapporteur, présente une faiblesse principale : s’il était adopté, il renforcerait les positions dominantes des plus gros acteurs de la vente à distance qui, eux, ont les moyens de négocier avec leurs prestataires pour obtenir les tarifs de livraison le plus bas possible. Il les obligerait certes à valoriser le coût de la livraison, mais cette obligation pèserait sur tous, sur ceux qui ont les moyens de négociation les plus faibles comme sur ceux qui ont les moyens les plus durs. Les grands acteurs de la vente à distance obtiendraient ainsi des coûts de livraison plus bas puisque leur capacité de négociation est bien supérieure à celle des petits libraires.

Paradoxalement, votre amendement aurait donc pour effet pervers de renforcer la concentration, précisément parce que les plus gros acteurs ont les moyens de négocier des tarifs beaucoup plus bas pour la vente à distance. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé un amendement qui n’interdit pas la gratuité des frais de port, parce que nous avons tiré les conséquences de la décision de la Cour de cassation du 6 mai 2008.

Nous considérons en outre que la négociation sur les frais de port fait partie de la liberté du commerce et de l’entreprise. La seule chose que nous interdisons, dans le respect de la loi de 1981, c’est de cumuler la gratuité des frais de ports avec le rabais de 5 %.

Ainsi, dans le cas d’opérateurs de livraison à distance cumulant la gratuité des frais de port avec la remise de 5 %, un livre d’une valeur de 22 euros pourrait être vendu en ligne au prix de 20,90 euros – prix total payé par l’acheteur. Le même livre fourni par un libraire facturant des frais de port serait vendu à 25,90 euros.

Rien ne changera demain, si ce n’est que ceux qui vendent en ligne feront payer leur livre 22 euros au lieu de 20,90 euros, autrement dit au prix éditeur. Ce ne sera donc pas pénalisant pour le consommateur puisque, de toute façon, dans son esprit, la loi de 1981 a toujours considéré que le respect du prix fixé par l’éditeur n’était pas une entrave au pouvoir d’achat du consommateur. La meilleure preuve en est que, dans les pays ne pratiquant pas le prix unique du livre, les livres ne sont pas moins chers qu’en France. C’est bien là tout l’effet bénéfique de la loi de 1981.

Avec cet amendement, le Gouvernement demande donc d’interdire le cumul de deux avantages commerciaux, la loi de 1981 n’ayant autorisé qu’un seul avantage commercial, ce dont aujourd’hui chacun se satisfait.

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