Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30
Introduction des territoires ruraux et de montagne dans le code de l'éducation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, l’avenir de l’école nous a longuement occupés au cours du premier semestre, avec la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. J’ai le plaisir de vous parler de l’école en territoire rural et de montagne en vous présentant cette proposition de loi, examinée le 18 septembre dernier par la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son objectif est de faire en sorte que l’ensemble du ministère de l’éducation nationale, dans sa composante nationale comme dans ses composantes rectorales et départementales, prenne en compte la réalité des différences des territoires, et notamment des territoires de montagne et des zones rurales, et arrête de raisonner exclusivement à partir de moyennes.

Je voudrais vous convaincre d’adopter ce texte, car il est motivé par la cohérence et l’urgence.

La cohérence tout d’abord. Vous connaissez tous ce principe de notre droit qui veut que l’égalité passe par la reconnaissance des différences. Voilà qui est fondamental. C’est ce qu’exprime le premier article du code de l’éducation, l’article L. 111-1, qui dispose, d’une part, que l’école contribue à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et, d’autre part, que la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation. Or c’est là, précisément, que le législateur s’est arrêté en si bon chemin, car le code ne fait que mentionner les différences de situation « notamment en matière économique et sociale ». On m’objectera que ce « notamment » permet d’englober toutes les différences. Cependant, comme je vous le montrerai, le silence du code tend à encourager l’adoption de mesures de carte scolaire qui ne prennent pas en compte la situation particulière des territoires ruraux et de montagne.

En outre, l’article L. 111-1 précise que la répartition des moyens a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les zones d’environnement défavorisé et d’habitat dispersé, oubliant ainsi, une fois de plus, les zones rurales et de montagne. Or ces dernières ne se caractérisent pas uniquement par la dispersion de l’habitat, mais surtout par leur relief et leur climat. Ce silence du code est d’autant plus surprenant que le législateur a reconnu, à plusieurs reprises, la dimension territoriale du service public de l’éducation. J’en donnerai un seul exemple, mais ô combien significatif.

L’article L. 113-1 du même code, qui est consacré à la scolarisation des moins de trois ans, prévoit que l’accueil de ces enfants dans les écoles maternelles est « organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d’outre-mer ». On l’inscrit à l’article L. 113-1 et pas à l’article L. 111-1… Ce qui prouve que, dès lors qu’il en a la volonté politique, le législateur peut apporter toute l’attention nécessaire aux territoires les plus fragiles.

En outre, le droit de l’éducation n’est pas le seul à reconnaître les spécificités des zones rurales et de montagne. Faut-il vous rappeler, à cet égard, les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 relative à la montagne et celles de la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural du 23 juin 2006 ? Je voudrais, à ce stade, vous rappeler que la solidarité des élus de la montagne a toujours dépassé jusqu’à ce jour les clivages politiques. Ce fut le cas dans la législature précédente. Ces éléments de droit ont d’ailleurs conduit le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Luc Chatel, à adopter, le 30 décembre 2011, une circulaire relative aux écoles de montagne qui demande aux recteurs d’identifier, dans chaque département concerné, « les écoles ou réseaux qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation et d’allocation de moyens au regard de leurs caractéristiques montagnardes ».

Malheureusement, ce ne sont là que des mots puisque, dans les faits, les DASEN interprètent très souplement ces instructions, voire de façon très disparate ; certains d’entre eux même les ignorent. Il convient donc de donner un fondement légal à la prise en compte des spécificités des écoles rurales et de montagne ; c’est la raison pour laquelle les oublis du premier article du code de l’éducation doivent être réparés.

Je sais que certains d’entre vous, sur ces bancs, me diront que la loi dite de refondation de l’école a changé la donne. Je connais l’alinéa du rapport annexé à cette loi qui indique que, lors de l’attribution des postes du dispositif « Plus de maîtres que de classes », « une attention particulière sera portée aux territoires ruraux et de montagne ». Mais je sais, et vous le savez aussi, que ce document n’a aucune portée normative : c’est une annexe.

Le deuxième point de mon argumentation est qu’il y a urgence à légiférer. En effet, le silence de l’article L. 111-1 du code conduit à ce que, malgré les créations de postes programmées par le Gouvernement – votre priorité, rappelons-le – les fermetures de classes ont, selon les médias locaux, rythmé la rentrée scolaire des départements ruraux ou de montagne.

Dans de nombreux cas, il a suffi qu’une école perde trois ou quatre enfants pour entraîner, en septembre, l’application de mesures de carte scolaire, dont la brutalité a suscité l’incompréhension des familles. C’est cela, la réalité des territoires ruraux et des territoires de montagne lors de cette rentrée scolaire.

Le ministre de l’éducation nationale a bien voulu me communiquer, le 18 septembre dernier, une estimation du nombre de fermetures de classe dans les cinquante départements qu’il a considéré être à dominante rurale ou de montagne. Celles-ci s’élèvent à 834 postes, même si cette donnée est à utiliser avec prudence car, à cette date, beaucoup de mesures n’étaient pas encore stabilisées. Huit cent trente-quatre impacts sur nos territoires alors que la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été suspendue et que vous avez annoncé que l’école devenait une priorité nationale ! Comment peut-on décider qu’elle est une priorité nationale alors qu’on ferme 834 classes dans des département ruraux et de montagne ?

Nous sommes donc très loin de la rentrée idyllique dépeinte par le ministre de l’éducation nationale et sa majorité ! Non, en territoire rural, il y a eu énormément de problèmes, ce qui n’a pas été le cas en zone urbaine.

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