Il me semble que la méthode générale de gouvernement doit consister à tendre la main à ceux qui sont les plus faibles – la force d'une nation dépendant de la force de son maillon le plus faible – mais que chacun doit contribuer à la hauteur de ses moyens. Les hommes et les femmes de notre pays ont des droits inaliénables, mais c'est la reconnaissance de ces droits qui confèrent à tous le droit d'avoir des droits.
Depuis sa création, le budget de l'AME est, nous en convenons tous, devenu objectivement disproportionné par rapport aux prévisions. Il fallait trouver un responsable de cette augmentation : certains dénoncent les abus des bénéficiaires, d'autres la mauvaise gestion du dispositif. Dans le rapport d'information qu'ils ont consacré à ce sujet, nos collègues, ici présents, Christophe Sirugue et Claude Goasguen, ont conclu à la nécessité de clarifier la gestion de l'AME, afin d'éviter que cette question n'empoisonne le débat sur l'immigration. Hélas ! celui-ci est déjà empoisonné. Notre collègue socialiste, Danièle Hoffman-Rispal, et moi-même avons, quant à nous, souhaité, dans notre rapport d'information sur l'évaluation de la politique de l'hébergement d'urgence, que l'accueil des demandeurs d'asile, de leur arrivée jusqu'à leur départ lorsqu'ils font l'objet de ce qu'on appelle une OQTF – obligation de quitter le territoire français –, soit traité sereinement et au fond. Une telle approche permettrait peut-être de trouver des solutions et de démystifier ces sujets afin qu'ils ne soient plus des marqueurs politiques. Mais la droite et la gauche le souhaitent-elles vraiment ? Il leur faut bien trouver des raisons de s'opposer, même sur le dos des demandeurs d'asile ou des personnes en situation irrégulière.
Nous estimons, quant à nous, qu'il nous faut rester extrêmement sereins et mettre en oeuvre la nécessaire réforme de la gestion de l'AME afin de sortir de cette ornière assez profonde. Parmi les pistes de réflexion que nous pouvons envisager, je citerai la réforme de la facturation des séjours hospitaliers, l'amélioration de l'organisation de ces séjours, la correction de l'effet de seuil des ressources et, pourquoi pas, la fusion des dispositifs CMU et AME ou, à tout le moins, leur harmonisation administrative rapide. Il s'agit bien, tout en faisant preuve de la plus grande humanité, qui caractérise notre beau pays – et je crois que nous n'avons pas à rougir de la manière dont nous appliquons le droit d'asile –, d'améliorer la gestion d'une ligne budgétaire qui explose. En effet, ainsi que l'ont rappelé les orateurs précédents, d'environ 75 millions d'euros en 1999, le budget de l'AME avait déjà doublé lors de la première année d'application et il atteint aujourd'hui un montant très inquiétant.
La proposition de loi de notre collègue prévoit la création d'une franchise de 50 euros – franchise qui s'élevait, avant d'être supprimée, à 30 euros. Il est des personnes, dans notre pays, pour qui 50 euros, c'est beaucoup. Pour ces personnes-là, qui réfléchissent à deux fois avant de se soigner et qui souvent ne peuvent avancer les frais, devoir payer l'aide médicale d'État est un problème. On peut s'enorgueillir d'avoir une véritable politique d'asile, mais celle-ci doit être rationnelle. Comme disait Michel Rocard, qui fut élu de ma circonscription, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde.