Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 11 octobre 2012 à 9h30
Aide médicale d'etat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Je ne crois pas que votre proposition de loi s'attaque aux problèmes de financement de cette question. Lors du débat sur la loi de finances qui avait vu la suppression du droit de timbre, le groupe écologiste avait salué cette avancée. En effet, au Sénat, en juillet dernier, ma collègue Aline Archimbaud s'était félicitée de la fin de mesures qui tenaient du non-sens sanitaire et économique. Ce dispositif, supprimé par la majorité et que vous proposez de rétablir, constitue une atteinte clairement aux droits et ses conséquences économiques pour la santé publique seraient bien plus lourdes que celles que vous dénoncez en raison de la gestion de l'AME.

Permettez-moi de donner les raisons qui conduisent les écologistes à rejeter cette proposition de loi. Je rappellerai d'abord que les étrangers ont bénéficié de la couverture santé de droit commun, dans des conditions identiques aux Français jusqu'à la réforme Pasqua, en 1993, qui les a exclus de toute prestation, à l'exception de l'aide médicale qui existe aujourd'hui. On ne peut pas dire que la droite, sur cette question, manque de cohérence.

J'ai lu aussi, sous la signature de certains des auteurs de cette proposition de loi, que la lutte contre la fraude motive ce texte. Les mêmes ont pourtant affirmé il n'y a pas si longtemps, conjointement avec Christophe Sirugue et en accord avec le rapport de l'IGAS et de l'IGF, que le déficit de l'AME n'était pas dû à la fraude – d'autant plus que les dispositifs de contrôle, en fait, se sont multipliés ces dernières années et que ces fraudes, minimes, sont vraiment anecdotiques comparées à des fraudes plus importantes comme la fraude fiscale. Les contrôles sont d'ailleurs tels que les demandeurs de l'AME sont parfois présumés fraudeurs lors de l'inscription et doivent fournir la preuve de leur absence de ressources afin d'avoir accès à leurs droits.

Vous dénoncez également la disparition du guichet unique, dont vous faites l'un de vos chevaux de bataille dans la rationalisation des dépenses publiques. Vous n'êtes pourtant pas sans savoir qu'il n'y a qu'un seul instructeur de dossiers, la CNAM, et que le guichet unique avait pour seul objectif de rendre plus difficile aux sans-papiers l'accès aux soins. En effet, à Paris, on ne comptait plus que deux guichets et pour tout le Val-de-Marne, un seul point d'accès, à Créteil.

Vous dénoncez également le fait que la couverture des sans-papiers serait meilleure que celle du régime traditionnel. Il s'agit là d'un mensonge et ce n'est pas parce qu'on répète de manière continue un mensonge qu'il devient une vérité.

Dans le droit comme dans la pratique, les personnes affiliées à l'AME sont couvertes au même taux que celles, ayant le même niveau de ressources, soumises au régime de la CMU complémentaire.

Vous déclarez enfin que trente euros, c'est peu. Vous oubliez de préciser ce que représentent trente euros quand le revenu mensuel s'élève à 660 euros : 5 % des revenus.

Nous savons aujourd'hui que seulement 220 000 personnes ont recours à l'aide médicale d'État chaque année et que 200 000 personnes environ restent éloignées de l'accès aux soins. Nous sommes donc dans une situation sanitaire assez inquiétante.

Il convient d'apporter plusieurs explications complémentaires sur l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AME.

D'abord, et vous le savez, dès 2008, les citoyens de l'Union européenne sans papiers, en particulier de nationalité roumaine ou bulgare, ont été dirigés vers l'AME, venant ainsi grossir le nombre des bénéficiaires.

La politique de baisse de l'immigration légale, notamment sur les titres de séjour pour soins, a par ailleurs multiplié le nombre de personnes qui ont été dirigées vers l'AME.

De même, les déclassements pratiqués par certaines caisses à l'encontre d'une population de migrants précaires ou de demandeurs d'asile contribuent à grossir le chiffre des bénéficiaires de l'AME.

D'autres, qui ont un travail, se voient, eux, refusés aux guichets de l'AME. Ces travailleurs sans papiers au dessus du plafond de ressources – 661 euros pour une personne seule, je vous demande d'imaginer ce que veut dire vivre aujourd'hui avec 661 euros par mois – n'ont de facto droit ni à une couverture santé, ni à l'assurance maladie. Ce sont autant de personnes que nous laissons hors du système de solidarité sur notre territoire.

Le droit d'entrée à trente euros, c'est une mesure inéquitable et injuste. À revenu équivalent, les bénéficiaires de l'assurance maladie et de la CMU complémentaire n'ont pas de droit d'entrée à payer.

Je rappelle aussi que les bénéficiaires de l'AME participent comme tout résident au financement de leur couverture santé. Ils sont soumis aux prélèvements obligatoires, payent la TVA et parfois, même, des cotisations sociales.

Le rétablissement du ticket d'entrée est une mesure dangereuse pour la santé publique. Imposer une charge financière à des personnes vulnérables, qui souffrent parfois de pathologies lourdes – et vous savez que dans le public ayant accès à l'AME, les pathologies lourdes sont surreprésentées : le VIH, les problèmes cardiaques, les problèmes de santé mentale – est en contradiction avec toute politique de santé publique cohérente : des pathologies simples s'aggravent et le coût des soins tardifs est bien plus lourd pour les finances publiques.

C'est une mesure démagogique, sans impact sur les finances publiques. Les bénéfices escomptés sont de l'ordre de 5 millions d'euros : rien, au regard du budget global de l'AME.

Il s'agit d'une mesure qui vise à dissuader, il s'agit d'une proposition d'affichage en ces temps où la droite a décidé de faire la course aux thèmes de l'extrême droite.

Vous prônez l'exemple de l'Espagne comme cas de bonne pratique de nettoyage des dépenses publiques ; plutôt qu'à ce que fait le gouvernement Rajoy, je me référerai au cas de l'Andalousie, qui a décidé de maintenir un régime commun pour toutes et tous, avec la fraternité au fronton. C'est mon choix, c'est le choix des écologistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe SRC.)

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