Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis ce soir à l’initiative de notre collègue Laurent Marcangeli pour examiner une proposition de loi visant à instaurer la continuité du service public dans les transports maritimes et à améliorer le dialogue social dans ce secteur. Le but est de garantir à l’ensemble de nos concitoyens, notamment aux insulaires, le droit de circuler librement, dans le respect du droit de grève.
Comme vient de le rappeler Laurent Marcangeli, cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement de deux textes adoptés par notre majorité au cours de la précédente législature. Il s’agit de la loi du 21 août 2007, qui a permis d’instaurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, en cas de grève ou de perturbation prévisible, et de la loi de mars 2012, dite loi Diard, que j’avais eu l’honneur de soutenir à l’époque. Cette dernière loi a étendu le principe de continuité dans le secteur aérien, sans pour autant procéder à un quelconque copier-coller ; en effet, les choses n’étaient pas transposables. Ces lois, qui font figure de grandes réformes du quinquennat de Nicolas Sarkozy, ont généré des avancées majeures, tant en termes d’organisation des transports aérien et terrestre, que sur le plan du dialogue social et de l’information aux passagers, trop souvent oubliés.
Désormais, ces secteurs, réputés pour leur « conflictualité importante », disposent d’un mécanisme de service garanti qui permet aux entreprises d’établir un plan de transport adapté aux moyens humains dont elles disposent. Ce dispositif se traduit, entre autres, par l’obligation pour les personnels de se déclarer grévistes quarante-huit heures auparavant, permettant ainsi aux entreprises de connaître à l’avance le nombre de grévistes. De fait, les compagnies de transport aérien ou terrestre peuvent mieux organiser le service, en redéployant les moyens disponibles sur les priorités de desserte.
J’en viens donc à l’intérêt même de la continuité du service dans les transports. Cet intérêt, vous le savez, monsieur le ministre, est double. D’une part, l’enjeu est d’assurer des conditions de transport acceptables pour les passagers. La prise en otage récurrente des voyageurs, qui aspirent légitimement à se déplacer, était devenue inacceptable. Nous nous souvenons encore du calvaire de milliers de voyageurs attendant impatiemment dans les gares ou les halls d’aéroport sans aucune certitude de pouvoir partir, en pleine période de vacances ! Comble du manque d’information, certains trains ou avions étaient annulés à la dernière minute. Ces paralysies à répétition donnaient de surcroît une image affligeante des conditions de trafic dans notre pays, pour les touristes.
D’autre part, l’enjeu est d’ordre économique. Les grèves des transports aérien ou ferroviaire engendraient des pertes financières importantes, pour les compagnies mais aussi pour l’ensemble de l’économie du pays. De toute évidence, dans un contexte de crise majeure, nous ne pouvions nous permettre de donner des signes dissuasifs aux partenaires étrangers.
Ces lois ont porté leurs fruits. Cela se traduit par des progrès indéniables sur le plan du dialogue social et des informations aux passagers dans le transport terrestre et le transport aérien. D’ailleurs, les démarches de concertation mises en place ont souvent permis d’éviter le conflit qui, comme le disait Éric Diard, doit être « la dernière des solutions. Elle n’arrange ni les compagnies, ni les salariés, qui perdent tous de l’argent ».
Je m’étonne de voir que la majorité actuelle, dont le principal objectif, il faut le dire, est de détricoter les réformes adoptées précédemment, n’ait pas encore supprimé ces dispositifs. À l’époque, l’opposition avait voté contre ces textes, les considérant comme une atteinte grave au droit de grève. C’est pourquoi, à deux reprises, vous aviez saisi, chers collègues, le Conseil constitutionnel pour en juger en dernier ressort. À deux reprises, le Conseil des sages avait alors rappelé qu’aux termes du septième alinéa du préambule de 1946, « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Autrement dit, ce droit est un principe de valeur constitutionnelle, certes, mais qui a des limites. C’est pourquoi le législateur a été habilité à y apporter les limites nécessaires pour concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte.
En vertu de quoi, le Conseil constitutionnel avait donc validé en 2007 puis en 2012 les lois instaurant un principe de continuité dans les transports terrestres et aériens. Certains tentaient de faire croire en 2012 que la proposition de loi de notre ami Éric Diard avait pour objectif de remettre en cause le droit de grève. Ils allaient même jusqu’à voir dans cette loi de l’opportunisme politique, et ils nous reprochaient, à tort, de présenter un texte de circonstance. Aujourd’hui, la majorité serait prête à nous reprocher, si j’ai bien compris, de légiférer dans un climat apaisé.
En tout état de cause, les arguments que vous avanciez hier sont caducs. Rendons-nous à l’évidence : le principe de continuité dans les transports n’est en rien une infraction aux droits sociaux garantis par la Constitution. Au contraire, il permet de concilier la liberté de voyager et le droit de grève.
Fort du succès rencontré dans les autres modes de transports, le dispositif de continuité doit être étendu aux transports maritimes. Concernant le calendrier, vous devriez plutôt vous féliciter, chers collègues de la majorité, que l’on puisse prendre sereinement de telles mesures.
Monsieur le ministre, je me permets de dire, avec humour, que je suis très heureux que la gauche n’ait pas respecté certaines de ses promesses. Lors de la campagne électorale, il avait été annoncé que le service minimum dans les transports terrestre et aérien serait annulé.