Nos collègues se rendent demain matin à un petit-déjeuner à la préfecture de Corse, pour assister à une cérémonie importante : celle du soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse, qui a commencé le 9 septembre dans ma ville, Ajaccio, et s’est terminé le 4 octobre à Bastia. Cette commémoration sera magnifiée par la présence du Président de la République, que je remercie. Je rejoindrai d’ailleurs le cortège demain matin. La Corse, c’est aussi cela, pas seulement les mauvaises nouvelles dans les journaux, mais également le premier département de France métropolitaine libéré dès 1943.
Je veux vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’y a aucune opportunité politicienne dans cette proposition de loi. J’ai été élu député contre vents et marées, si je puis dire, à rebours d’une vague rose nationale, en reprenant un siège qui n’appartenait plus depuis longtemps à ma famille politique ; j’avais fait une seule promesse en matière de proposition de loi : celle-ci. Les électrices et les électeurs de la première circonscription de la Corse-du-Sud et d’Ajaccio, qui m’ont donné une belle victoire le 17 juin 2012, n’attendaient rien de moins que cela de la part de leur député : tenir un engagement. C’est ce que vous devriez peut-être faire également, puisque, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous aviez dit que ces lois – tant dans les domaines ferroviaire que terrestre ou aérien – étaient iniques, inacceptables et portaient une grave atteinte au pacte républicain, au droit de grève. Vous avez donc saisi, tout naturellement, le Conseil constitutionnel : excusez-moi de vous rappeler que le résultat n’a pas été à la hauteur de vos espérances. Bien au contraire, pas une virgule n’a été changée.
Je constate par ailleurs que la France ne se trouve pas dans une situation catastrophique en matière de droit de grève, qui n’a pas connu d’atteinte disproportionnée. Finalement, tout cela est peu à peu entré dans les usages. D’ailleurs, vous n’avez pas touché à ces deux lois, et je pense que vous ne le ferez pas, que vous n’aurez pas le courage de le faire pendant cette législature, comme vous n’avez pas davantage eu le courage de le faire lorsque la possibilité vous en était offerte, il y a encore quelques mois de cela.
Ces lois devraient s’appliquer partout, dans tous les secteurs. Pourquoi ? En raison de la continuité du service public, principe très important, à l’instar de la liberté d’aller et venir : cela ne concerne pas seulement les Corses, mais aussi ces touristes, qui, parfois, se retrouvent complètement « largués », veulent rentrer chez eux avec leurs enfants, comme le disait tout à l’heure Thierry Mariani, et qui ne peuvent pas le faire parce qu’on a décidé de faire grève. Cela pénalise une économie et toute une société, cela pénalise in fine tout le monde et pas seulement la Corse, dont je suis l’un des représentants dans cette assemblée.
Il y a aussi une exigence dans le service public, une enveloppe pour la continuité du service public que la Corse verse chaque année. Je ne suis pas là pour parler d’une entreprise en particulier. Il existe une procédure d’appel d’offres et des candidatures, acceptées ou rejetées. Je ne stigmatise personne et je regrette que certains de nos collègues aient souhaité s’engager dans cette voie. On a parlé de SeaFrance tout à l’heure, et l’on m’a prêté des intentions extrêmement douteuses : je ne vais pas si loin ; j’essaie de résoudre un problème, qui est celui du quotidien de beaucoup de mes concitoyens, et de faire droit à une exigence importante : celle de rendre compte de mon mandat et de respecter mes engagements. Cela me paraît important pour notre démocratie, qui est aujourd’hui quelque peu malade. Ce que je veux, mes chers collègues, c’est que cette continuité territoriale, pour laquelle nous versons de l’argent soit respectée, que l’on ne prenne ni les Corses ni les touristes en otage lorsqu’on est mécontent à Marseille. C’est aussi simple que cela. Et je voudrais que la Corse, qui, demain, sera une fois de plus à l’honneur, avec la présence du Président de la République, fasse partie intégrante de cette République française que j’aime tant.
La loi de la République aujourd’hui, le droit commun, est le service continu, qui protège également le dialogue social. Permettez-moi d’ailleurs une petite parenthèse sur le dialogue social : j’aimerais qu’il soit possible dans les entreprises délégataires de service public. On a une compagnie aérienne – Air Corsica – qui a organisé elle-même, par le dialogue social interne à l’entreprise, le service continu. Cela appartient, en quelque sorte, à un monde rêvé. Je ne crois pas aujourd’hui à la capacité des entreprises délégataires de service public de transport maritime de réaliser cet accord social et de permettre la continuité du service public. Je n’y crois pas, je le répète, et c’est la raison pour laquelle je dépose cette proposition de loi, qui vient compléter le dispositif déjà existant et solidifier une situation que l’on connaît déjà dans les autres secteurs du transport. C’est une proposition de loi de bon sens, qui n’est pas animée par des arrière-pensées électorales ou des volontés de déstabilisation de telle ou telle entreprise. Je n’ai qu’un seul objectif en présentant ce texte : la défense des usagers, de la liberté d’aller et venir et d’une certaine idée du dialogue social