À titre personnel, sur le débat public, quand on compare le discours de Mme Delphine Batho du 25 juin dernier et la communication au conseil des ministres de M. Philippe Martin, il y a un point commun : le dialogue environnemental est mis en avant. Il est inimaginable de faire évoluer le droit du travail sans dialogue social. En revanche on tente de faire avancer le droit de l'environnement cahin-caha, sans dialogue structuré ! La multiplication à laquelle on assiste des organismes, des concertations, des débats publics est tout le contraire d'un dialogue structuré et toutes ces instances ont en commun de ne satisfaire personne.
On peut rappeler l'exemple pris par Mme Delphine Batho elle-même lors de l'ouverture des États généraux : le Gouvernement a soumis à appel d'offres des projets d'éoliennes offshore, alors qu'en réalité tout est déjà ficelé, la localisation des éoliennes, leur nombre, leur puissance. On organise ensuite un débat public, qui coûte fort cher et rallonge les délais, dans lequel on interroge les citoyens sur l'opportunité même des projets, alors qu'il n'y a plus d'options ouvertes. On peut comprendre le désarroi des différents acteurs. Les bénévoles des associations sont aujourd'hui débordés de sollicitations pour participer à de très nombreuses instances, pour n'aboutir souvent qu'à des résultats peu satisfaisants et des risques de contentieux. L'élaboration du droit de l'environnement s'en trouve décrédibilisée.
A cet égard, je souligne que la création envisagée d'une nouvelle Agence, dans le domaine de la biodiversité, pourrait bien être la création d'un lieu de concertation supplémentaire alors qu'il existe déjà de nombreuses instances de consultation, sans compter celles qui sont annoncées. Ce serait d'ailleurs l'occasion de réfléchir à une réforme du Conseil économique, social et environnemental, comme s'y étaient d'ailleurs engagées toutes les parties prenantes au lendemain du Grenelle de l'environnement. Il ne s'agirait pas de le supprimer, mais d'en faire l'« Académie du futur » imaginée par M. Pierre Rosenvallon.
Faut-il une spécialisation de la justice ? Il faut d'abord poser la question des moyens dévolus à la justice. Je faisais état tout à l'heure des déclarations du président du Réseau des procureurs européens pour l'environnement, M. Jean-Philippe Rivaud, sur le manque de moyens des magistrats. Avoir un « pôle environnement » sans moyens serait inutile.
Je rappellerai également le procès de la pollution à la dioxine de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère : les parties civiles s'étaient vivement émues lorsqu'il avait été décidé de dessaisir le juge d'instruction pour confier l'affaire à des magistrats du « pôle santé » de Marseille.
Sur la spécialisation, les contributions que nous avons reçues posent clairement la question des moyens comme étape préalable. On voit par exemple comment, au sein de la Gendarmerie, les unités spécialisées dans les atteintes à l'environnement n'ont pas les moyens de leurs compétences. La police de l'environnement en France est un vrai souci, en l'absence d'augmentation des effectifs de l'inspection vétérinaire ou des installations classées.
En matière de responsabilité environnementale, il y a effectivement des problèmes dans l'application de la loi, et il s'y ajoute aujourd'hui, suite au rapport de M. Yves Jegouzo, un nouveau « bloc », certes réduit aux préjudices écologiques, mais qui a un lien avec le dommage pour atteinte à l'environnement qui se trouve déjà dans le code de l'environnement. J'espère que les États généraux seront aussi un espace de discussion sur l'articulation entre le code civil et le code de l'environnement.
L'introduction d'un nouveau délit d'atteinte à l'environnement dans la loi-cadre sur la biodiversité est une demande forte des associations. Mais là encore la question non résolue est celle des moyens de poursuivre et de faire juger. Ne faudrait-il pas commencer par faire mieux fonctionner l'existant ?
Le principe de précaution n'a pas été un grand sujet de discussion. En revanche la notion de non-régression a été mise en avant par la Société française du droit de l'environnement, qui a consacré deux jours à ce travail, et par de nombreuses contributions intéressantes de juristes.
Il y a d'autres sujets qui sont un peu périphériques mais néanmoins liés : les participants se sentaient parfois déboussolés par le fait que des sujets environnementaux étaient discutés ailleurs, comme par exemple la réforme du code minier.