Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 2 octobre 2013 à 16h15
Commission des affaires européennes

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Le Président de la République s'est engagé, lors des Assises de l'entreprenariat, à ouvrir une réflexion au sujet du financement participatif, et j'ai réuni, lundi dernier, plusieurs centaines d'acteurs de ce secteur. Jusqu'à présent, cette activité s'est développée en dehors de tout cadre réglementaire, ce qui risque de la fragiliser. Une réglementation souple et adaptée lui sera, je crois, bénéfique.

Les entreprises qui pratiquement le financement participatif, en prêts ou en fonds propres, sont soumises à la même réglementation que les institutions financières traditionnelles. Ni l'obligation de disposer d'un niveau de fonds propres extrêmement élevé – plusieurs centaines de milliers d'euros – ni les contraintes draconiennes en matière de publicité des appels publics à l'épargne, avec des prospectus de plusieurs centaines de pages, ne sont très adaptées aux nouvelles plateformes, qui ne réunissent souvent qu'une dizaine de personnes investissant dans un projet. Il s'agit donc d'instaurer un cadre financier qui sécurise cette activité tout en allégeant les contraintes auxquelles elle est soumise.

Les évolutions législatives et réglementaires sont actuellement soumises à consultation. Puis nous utiliserons l'habilitation à légiférer par ordonnances que vous avez votée pour créer ce nouveau cadre avant la fin de l'année, en concertation avec les acteurs concernés.

En outre, dans la mesure où le financement participatif intervient dans les interstices de leurs activités, les établissements bancaires ne lui sont pas à ce point opposés. Si beaucoup de PME y recourent, c'est précisément parce qu'elles n'ont pas réussi à faire financer leurs projets par une banque. Je pense donc que ce mode alternatif peut répondre à des besoins non couverts par le marché.

Les trois principaux axes de réforme seront la création d'un nouveau statut de conseiller en financement participatif, l'autorisation du prêt rémunéré entre particuliers – nous consultons actuellement pour définir les plafonds par projet et par investisseurs – et l'allègement des contraintes en matières de fonds propres et de publicité.

Nous veillerons également à l'harmonisation des réglementations européennes. Aux États-Unis, plusieurs milliards de dollars de fonds sont levés chaque année au titre du financement participatif. Il y a donc des perspectives de développement dans l'Union européenne.

La proposition de règlement de la commissaire Kroes, madame de la Raudière, ménage le principe de la neutralité de l'Internet tout en donnant un peu de marge aux fournisseurs d'accès, puisqu'elle les autorise à fixer des prix de détail différenciés en fonction des volumes de données proposés. Je trouve ce système quelque peu ambigu et la proposition quelque peu précipitée. Un débat associant les parlementaires européens est nécessaire. On ne peut se contenter d'une procédure de quelques semaines, d'autant que le sujet doit être traité en lien étroit avec la question de la neutralité des plateformes.

Nous sommes d'accord avec le principe de non-discrimination dans l'accès aux contenus. Il est difficilement acceptable que ce soient aujourd'hui les opérateurs qui décident de qui peut avoir accès à certains contenus ou services – je pense en particulier au contentieux entre Free et Google, actuellement traité par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), mais les plateformes ne doivent pas non plus avoir de pouvoir de censure, par exemple parce que tel tableau du XVIIIe siècle ne leur plaît pas !

La gouvernance de l'Internet par l'ICANN est en effet un sujet essentiel, monsieur Myard, et nous espérons que le Conseil européen en discutera. Il est évident que cette instance devrait être moins « américano-centrée » – même si cet état de fait est aussi le produit de l'histoire – et prendre mieux en compte les gouvernements. Certaines propositions visent à donner des prérogatives à l'Union internationale des télécommunications (UIT). Je rattache cette question à celle de la normalisation et de la standardisation, que les États, s'ils veulent structurer une économie numérique européenne, doivent aborder de manière beaucoup plus collective et concertée. À l'heure actuelle, chacun agit de son côté alors que les Américains disposent, avec le National Institute of Standards and Technology (NIST), d'un puissant instrument de soft power en la matière. Nous abordons l'ère des objets connectés, où les protocoles de transmission auront une importance primordiale. Il est donc indispensable que les Européens puissent peser sur les standards qui détermineront les choix industriels.

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