Intervention de Virgilio Mota Da Silva

Réunion du 11 septembre 2013 à 16h45
Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Virgilio Mota Da Silva, délégué du syndicat SUD de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord :

J'ai même fait l'objet de menaces de mort, puisque vous voulez tout savoir, mais tout cela est resté verbal et je n'ai pas déposé plainte, ni même déposé de main courante. Cela nourrit cependant un climat délétère et peu propice au dialogue. Je pourrais aussi évoquer les chahuts qui accueillent toute prise de parole qui n'est pas le fait du syndicat majoritaire. Je déplore ce manque de respect mutuel. Je peux comprendre que les esprits soient quelque peu échauffés de part et d'autre. Je comprends moins, en revanche, la revendication d'exclusivité du syndicat majoritaire, d'autant que le site d'Amiens-Nord ne compte plus que deux syndicats. Davantage de respect envers le syndicat minoritaire – l'opposition en quelque sorte – permettrait, non seulement de débattre dans une plus grande sérénité, mais peut-être de faire émerger d'autres solutions.

La justification par le motif économique relève de la responsabilité de l'employeur. La direction affirme qu'elle arrivera à en prouver le bien-fondé devant les tribunaux : je demande à voir. En tout état de cause, si elle y parvient c'est qu'elle l'aura fabriqué de toutes pièces. Je vous renvoie à l'analyse du dernier PSE par le cabinet SECAFI. Selon ce rapport, notre usine ne tourne qu'à 20 % de ses capacités, ce qui engendre des coûts supplémentaires considérables. Il semble cependant que le site peut encore être rentable, tous ses équipements étant amortis.

En tout cas, la direction a sciemment dégradé la situation du site depuis 2000 et surtout depuis 2007 : jusqu'à cette date au moins, l'activité de l'usine était suffisante pour supporter les coûts fixes et dégager des bénéfices. Je ne saurais me prononcer sur sa rentabilité à compter de cette date. Il est incontestable, en revanche, que la direction a ruiné tout ce qui nourrissait le lien social. Tous les salariés d'Amiens-Nord sont en souffrance depuis cinq ans. Je ne sais pas si vous pouvez mesurer combien la situation est dure à vivre pour eux. Ils n'ont pas demandé à travailler deux ou trois heures par jour, avec une direction qui leur fait comprendre qu'ils ne servent à rien.

En tout état de cause, je ne dispose pas des chiffres qui me permettraient d'évaluer la pertinence du motif économique : la direction prétend qu'il est compliqué de distinguer la part d'Amiens-Nord dans la comptabilité globale du groupe GDTF – il faudra bien pourtant qu'elle en fasse état devant le juge. Je peux seulement vous indiquer mon sentiment.

La délocalisation renvoie à une stratégie de longue date de la direction. Celle-ci n'a pas découvert les problèmes du site d'un jour à l'autre ; un bon gestionnaire d'entreprise sait où il va et ne remarque pas le mur au dernier moment. Présent dès le milieu des années 1990, le sous-investissement structurel est devenu criant depuis le début des années 2000. Comme le montrent les procès-verbaux, lorsque le CCE analysait, chaque semestre, la situation de notre usine, ce manque d'investissements constituait notre plus grande source d'inquiétude. La direction ne consentait qu'un million ou un million et demi d'euros – juste assez pour entretenir l'outil de travail en effectuant le dépannage courant, rien de plus ; elle n'a investi dans aucune innovation technologique, refusant de mettre les équipements au goût du jour. Par conséquent, elle ne peut pas nous accuser, en 2007 ou en 2008, d'avoir dégradé la situation : en accumulant un retard technologique important sur notre usine, elle est seule responsable du déclin qui s'est amorcé dès le début des années 2000, et dont elle a voulu se servir pour nous faire avaliser l'organisation en 4x8.

En 1995 déjà, la direction voulait négocier un 5x8, mais les gens ne voulaient pas travailler le dimanche. Une grève très importante a éclaté dans l'usine, dont beaucoup gardent encore les cicatrices ; nos choix ont alors été respectés. En 2000, la CGT a signé un accord RTT qui prévoyait le travail du dimanche, avec des équipes de suppléance. Les salariés ont donc consenti des efforts importants.

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