Il me revient de répondre à vos questions sur l'attitude du Gouvernement et, plus précisément, du ministère de l'intérieur au cours de l'affaire ayant conduit à la démission de M. Cahuzac. Je souhaite vous faire part des éléments essentiels à cet égard, en respectant la chronologie. Je compléterai ensuite mon propos en répondant, avec le plus de précision possible, à vos questions.
Avant la publication des articles de Mediapart les 4 et 5 décembre 2012, je n'ai pas été informé, ni oralement ni par écrit, de l'hypothèse selon laquelle M. Cahuzac avait ou aurait eu un compte en Suisse ou à l'étranger.
Entre le 5 décembre et le 8 janvier, j'ai comme vous entendu M. Cahuzac le 5 décembre affirmer dans l'hémicycle : « Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant, ni auparavant. » Il m'a également affirmé, personnellement, que les allégations de Mediapart étaient fausses.
Dans la mesure où, à la suite de Mediapart, la presse faisait état de nombreuses interrogations concernant M. Cahuzac, la banque UBS et une « note blanche » que la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) m'aurait transmise et, aussi en raison de l'ancienneté des faits, une seule vérification a été menée : savoir si la DCRI disposait dans sa documentation d'éléments archivés relatifs soit à la banque UBS, soit à M. Cahuzac. La recherche a donné un résultat négatif concernant M. Cahuzac. En revanche, la DCRI a retrouvé, dans sa documentation, la copie d'une dénonciation relative à l'existence d'un possible système de fraude fiscale au sein de la banque UBS. Cette dénonciation remontait à avril 2009 et avait été complétée en février 2011. À l'époque, considérant que la Commission bancaire, devenue par la suite l'Autorité de contrôle prudentiel, était la destinataire principale de cette dénonciation et était compétente en la matière, la DCRI n'avait pas engagé d'enquête de renseignement.
Le 19 décembre 2012, la DCRI m'a transmis une note d'une page résumant ces éléments avec, en annexe, les dénonciations de 2009 et de 2011. C'est, selon moi, parce qu'ils ont eu connaissance de l'existence de cette note – qui ne mentionne à aucun moment le nom de M. Cahuzac – que certains journalistes ont indiqué, à tort, que le ministère de l'intérieur et le ministre lui-même avaient pu être informés en amont. Or, il n'en a rien été.
À la demande de votre rapporteur, j'ai procédé à la déclassification de cette note et de ses annexes, et les lui ai transmises le 12 juin dernier, le lendemain de l'audition de M. Patrick Calvar, directeur central du renseignement intérieur. J'y insiste : interroger la documentation existante de la DCRI et mettre en oeuvre des investigations sont deux choses radicalement différentes. En aucun cas je n'ai demandé à la DCRI d'enquêter sur M. Cahuzac. Je n'avais d'ailleurs pas à le faire.
Le 8 janvier 2013, le parquet a ouvert une enquête préliminaire. En ma qualité de ministre de l'intérieur, je ne pouvais en rien m'immiscer dans une procédure judiciaire conduite par les officiers de police judiciaire sous le contrôle du procureur de la République de Paris.
En résumé, je n'ai jamais disposé d'aucun élément oral ou écrit démontrant que M. Cahuzac détenait un compte à l'étranger. De même, je n'ai jamais disposé, avant la remise du rapport définitif de la police scientifique et technique au procureur de la République de Paris le 19 mars et les conclusions de l'enquête, d'éléments démontrant que la voix de l'enregistrement était effectivement celle de M. Cahuzac. Je vous renvoie à cet égard aux déclarations des responsables de la police judiciaire devant votre Commission le 11 juin dernier. Enfin, j'ai toujours dit au Président de la République et au Premier ministre que je ne disposais d'aucun élément établissant la véracité des informations de Mediapart relatives à la détention d'un compte en Suisse ou à l'étranger par Jérôme Cahuzac.
D'autre part, comme j'ai tenu à l'indiquer dans un communiqué de presse publié le 3 avril dernier, aucune enquête parallèle n'a été menée par mes services, ni avant ni pendant l'enquête préliminaire conduite depuis le 8 janvier 2013 par les services de la direction centrale de la police judiciaire – division nationale d'investigations financières et fiscales et sous-direction de la police technique et scientifique – sous la direction du procureur de la République de Paris. Je ne les ai d'ailleurs pas rencontrés au cours de cette période.
Jamais je n'ai donné instruction aux services de renseignement de mener de telles investigations. Cela n'entre pas dans leurs missions – je l'ai rappelé dans le communiqué du 3 avril et le confirme à nouveau. Toute conception ou pratique contraire relèverait d'une époque désormais révolue.