Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 16 juillet 2013 à 11h15
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des Sceaux :

Franchement, je ne me suis pas posé la question de la plainte pour faux et usage de faux. Je n'ai pas lu la plainte en diffamation, un vrai « pavé ». Je l'ai transmise, c'est mon rôle, comme j'ai transmis pour M. Montebourg il y a quelques mois, ou pour M. Moscovici contre un hebdomadaire aussi. Je n'ai pas poussé plus avant la curiosité, je n'ai d'ailleurs pas la disponibilité de le faire. La plainte a été rédigée par un avocat, sous sa responsabilité et celle du mise en cause.

Il est important de rappeler que l'affaire a démarré sur une base médiatique – et non judiciaire –. La plainte a été déposé à la suite de l'article « Le compte suisse du ministre du budget ». Celui-ci envoie à la garde des Sceaux une plainte à transmettre. La DACG a le réflexe de s'interroger pour savoir si c'est en tant que ministre ou de particulier qu'il est visé. En l'absence de jurisprudence, l'alternative consiste, pour le ministre, soit à prendre le risque d'en construire une, soit à transmettre en neutralité, ce que nous avons fait, en veillant à éviter la prescription – de trois mois dans les deux cas de figure –, et conscients que le procureur a toute liberté pour requalifier la plainte le cas échéant. Ce qui m'a été expliqué, par la suite, c'est que la première plainte faisait référence à plusieurs articles de la loi de 1881 et que le procureur a lui-même sélectionné ceux qui étaient pertinents. À ce moment-là, je ne me suis pas demandé si la procédure suivie était la bonne ou pas.

Et heureusement ! Si j'avais cherché à savoir si c'était, ou non, la bonne qualification, on me reprocherait aujourd'hui de m'être mêlée de l'efficacité de la plainte d'un ministre contre un média. Le risque, c'était tout de même la nullité. Le procureur aurait pu ne pas poursuivre s'il avait jugé que la qualification n'était pas la bonne, mais il a préféré requalifier, comme il en a le droit. Je suis contente de m'en être tenue à une stricte neutralité. Sinon, j'aurais aujourd'hui à expliquer pourquoi j'ai fait du zèle en vérifiant si la plainte était susceptible d'aboutir.

Concernant l'enquête préliminaire, je rappelle que, le 23 décembre, deux plaintes ont été reçues, mais elles n'ont pas encore donné lieu à la fixation de la consignation – s'agissant de la désignation du juge d'instruction, je ne suis pas sûre. Le procureur aurait déjà pu décider d'ouvrir une enquête préliminaire mais, alors, on n'aurait pas été exactement conforme au droit, c'est ce que j'ai expliqué à propos de l'exceptio veritatis : normalement, c'est à l'accusateur qu'incombe la charge de la preuve. On peut réinterpréter les faits à la lumière de ce qui a suivi, mais, le 23 décembre, il n'y a rien d'autre que les deux plaintes en diffamation. Et le 8 janvier, à la suite de la lettre de Mediapart, le procureur décide d'ouvrir l'enquête préliminaire et d'apporter la preuve, par l'expertise, que l'accusation portée par les médias est fondée.

L'enquête administrative possible en droit n'a pas fragilisé la procédure pénale. Pour le bon fonctionnement de l'État et des institutions, c'était peut-être mieux de les mener en parallèle. C'est d'ailleurs une des questions que nous nous posons dans le cadre des débats sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Avec le ministre du budget, nous avons mis en place un dispositif d'échange d'informations entre l'administration fiscale et la justice à propos des signalements faits par l'administration fiscale, pour améliorer les choses. Cela dit, rien n'interdit de réfléchir à une obligation d'information.

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