Intervention de Philippe Théveniaud

Réunion du 17 septembre 2013 à 17h30
Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Philippe Théveniaud, président de la section CFTC de Picardie, délégué CFTC de l'usine Dunlop d'Amiens-Sud :

Je suis salarié de l'usine Dunlop Goodyear Amiens-Sud depuis 1981, représentant du personnel depuis 1983 et délégué syndical CFTC depuis 1989.

Beaucoup de choses ont été dites sur la CFTC. C'est pourquoi je tiens à être très clair aujourd'hui : la CFTC n'est pas l'avocat du système des 4x8. En 2007, elle a fait des propositions sur d'autres aménagements du temps de travail, plus adaptés à la vie familiale, associative et culturelle des salariés. La direction, elle, avait la ferme volonté de mettre en place l'organisation des 4x8, appliquée dans pratiquement tous les sites basés en Europe, dont les cinq usines en Allemagne.

Dans un contexte de concurrence, souvent déloyale, les leviers à la disposition des syndicats pour préserver les emplois se résument à des accords. Il n'existe pas de recette miracle ! Notre pays dispose de très peu de marges de manoeuvres pour assurer la compétitivité de son industrie. On nous promet une Europe sociale harmonisée depuis plus de vingt ans, mais nous continuons de subir la concurrence des usines à bas coûts salariaux de l'Europe de l'Est.

Lorsque l'accord des 4x8 nous a été soumis, il était synonyme pour nous de pragmatisme car lié aux investissements. Nous savions que dire « non », refuser de mettre les mains dans le cambouis, signifiait la mise à mort des usines. Celles situées en Allemagne fonctionnaient déjà avec cet aménagement depuis plus de vingt ans. Nous n'avions pas d'autre choix à l'époque.

En 1994, les syndicats anglais et allemands de l'entreprise que j'avais réunis nous avaient indiqué que si nous refusions le travail en continu en France, eux l'appliqueraient et obtiendraient la production. Même entre syndicats européens, il était déjà impossible de faire progresser cette Europe sociale espérée depuis des décennies !

Ainsi, à la concurrence entre sites du même groupe à laquelle nous sommes confrontés, vient s'ajouter celle des autres groupes, comme Bridgestone à Béthune qui négocie actuellement un accord de compétitivité basé sur les 4x8. En définitive, ne pas négocier pour un syndicat, c'est mettre en péril les emplois.

Deux choix se présentaient donc à la CFTC : refuser tout changement ou négocier l'accord. J'y insiste : nous avions conscience – depuis le début – que ne rien négocier signifiait, dans un contexte de mondialisation, la mort assurée des deux sites.

Notre syndicat a choisi le pragmatisme, le réalisme. Il a préféré négocier afin de trouver un accord de compétitivité, un accord gagnant-gagnant pour sauver les 2 000 emplois des deux sites et donner à ces derniers une chance de devenir pérennes.

Contrairement à d'autres syndicats, la CFTC a estimé – et cela a toujours été son point de vue depuis le départ – que le chômage serait beaucoup plus destructeur pour les salariés et leur famille que la nouvelle organisation des 4x8. Mais ce fut très difficile à expliquer aux salariés, car ce nouveau système dégrade la vie familiale et sociale. Il n'y avait cependant pas d'alternative : c'était l'accord ou la fermeture.

Lors de la signature de l'accord, la CFTC était minoritaire. Après la signature, les salariés de Dunlop ont compris que nous nous étions efforcés de sauver l'usine, et notre syndicat est devenu majoritaire. La CGT ne pèse plus aujourd'hui que 3 % chez Dunlop, après avoir été ultra-majoritaire.

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