Il y a peu de temps, je n'aurais pu vous répondre avec précision. Mais les policiers qui m'ont entendu récemment, m'ont dit que cela s'était passé en février 2001, et je n'ai pas de raison d'en douter. La procédure était alors très simple : l'agent ayant besoin de consulter un dossier demandait à la secrétaire – nous en avions encore une, à l'époque – de remplir un formulaire, qu'il signait ; la demande partait par courrier, et on recevait le dossier en retour. Le délai était celui de l'acheminement du courrier postal.
Lorsque le dossier est arrivé, nous l'avons examiné sommairement, comme on le faisait toujours, ne serait-ce que pour vérifier que la personne mise en cause n'avait jamais déclaré de compte bancaire à l'étranger. Nous avons ensuite discuté de son contenu. Je voulais rencontrer la personne ayant transmis l'information, car à ce stade, nous ne pouvions rien faire. Des informations sur des comptes en Suisse ou l'exercice de travail dissimulé, nous en recevions facilement ; mais il fallait en évaluer la crédibilité avant d'entamer quelque action que ce soit. Dans ce but, nous avions coutume de recevoir, dans les locaux de l'administration, la personne ayant donné le renseignement, afin de mesurer sa proximité avec la source principale, de comprendre par quel moyen l'information lui était parvenue, de rechercher de premières pistes pour commencer l'enquête. Dans le cas qui nous occupe, M. Mangier m'a dit que la personne ayant transmis l'information n'en savait pas plus et ne souhaitait pas que je la rencontre. La porte était dès lors fermée, ce qui explique pourquoi il n'y a eu – et j'insiste sur ce point – aucune enquête au sens où nous l'entendions : aucune des procédures prévues par les textes n'a été entamée. Nous n'avions aucun moyen de le faire.
La seule anomalie, dans ce dossier, est sans doute que M. Mangier l'ait traité comme s'il ne concernait qu'un contribuable ordinaire, et non une personnalité exerçant des fonctions électives. Il aurait dû, en effet, en informer le chef de service, ce qui n'a pas été fait.
De même, il est anormal que le dossier ait été détenu si longtemps par la BII. En général, lorsque l'on obtient une information de ce type, on garde le dossier quelque temps dans le coffre-fort, en espérant que de nouvelles informations permettront d'entamer une véritable enquête. Si rien ne se passe, on renvoie le dossier. Or, mon collègue ne l'a pas fait. C'est bien plus tard, en faisant de l'archivage, que l'on a retrouvé ce – très mince – dossier, parmi d'autres, dans le coffre. Il a été renvoyé à ce moment.