Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 11 octobre 2012 à 9h30
Formation aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route — Présentation

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Tout d'abord, cette proposition relève du domaine réglementaire, et non du domaine législatif. Nous ferions de la malfaçon législative, si vous me permettez cette expression, en décidant de traiter de ce type de disposition au niveau de la loi.

Je sais, en tant qu'ancien député, que la tentation est grande de soutenir des propositions de loi, de porter soi-même des réformes que l'on juge essentielles. Cela relève, du reste, de la libre initiative du Parlement. Je me rappelle d'ailleurs les réponses que recevaient les parlementaires de la part des ministres, il n'y pas si longtemps.

Néanmoins, l'Assemblée crée aussi du droit, et il convient donc de ne pas s'affranchir des règles en la matière. Au fond, j'ai bien conscience qu'en tenant ce discours, je ne fais que renvoyer la balle au Gouvernement. Je tiens à vous rassurer, et j'y reviendrai dans un instant : des avancées vont avoir lieu dans ce domaine.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, un certain flou entoure encore les modalités de mise en oeuvre de votre proposition de loi. S'agit-il réellement d'une troisième épreuve ? Si c'était le cas, cela imposerait aux inspecteurs du permis de conduire une surcharge de travail importante. Vous êtes conscient de ce problème, puisque vous l'avez vous-même évoqué.

Je rappelle qu'en 2004, lorsque la durée de l'épreuve de la catégorie B du permis a été allongée, passant de vingt-deux à trente-cinq minutes, il a fallu recruter 195 inspecteurs supplémentaires. De la même façon, aujourd'hui, cela représenterait une charge importante pour l'État.

Par ailleurs, la mise en place de cette troisième épreuve du permis de conduire semble irréaliste en l'état, car elle nécessiterait la formation de l'ensemble des moniteurs d'auto-école, ce qui engendrerait, là aussi, une hausse notable des coûts de formation pour les apprenants. Je constate néanmoins, monsieur le rapporteur, à la lecture de vos amendements, que vous proposez en réalité une simple attestation, que le candidat devrait présenter.

Vous expliquez dans votre rapport, je vous cite, que « la notion d'épreuve, retenue en l'espèce dans un souci de parallélisme avec la terminologie préexistante, ne doit cependant pas être comprise comme supposant l'organisation d'un examen spécifique, mais plutôt comme correspondant à la satisfaction à l'exigence d'avoir participé à une formation et de l'avoir validée. » Vous précisez encore que « la dispense et la validation de cette formation seraient confiées aux associations de secourisme agréées ».

Mais confier à des associations le soin d'assurer cette formation, ainsi que sa validation, ne serait pas sans conséquences : de nouvelles questions se posent automatiquement et logiquement. Tout d'abord, les associations pourront-elles faire face à la masse que constituent les 900 000 candidats annuels au permis de catégorie B ? Une telle proposition ne va-t-elle pas créer un engorgement, et entraîner une augmentation des délais d'attente pour les candidats ? Je reçois beaucoup d'interpellations à ce sujet : les délais d'attente, qui approchent parfois trois mois avant qu'il soit possible de se représenter à l'épreuve pratique, suscitent de l'incompréhension, nous le savons. Je ne souhaite pas contribuer à cet engorgement par l'introduction d'une nouvelle obligation.

Se pose ensuite la question du coût, que vous pointez à juste titre dans votre rapport. Selon vous, les candidats devront sans doute supporter directement le coût de la nouvelle épreuve. Doit-on ajouter un coût supplémentaire à un permis déjà jugé trop cher ? Vous évoquez un montant de l'ordre de 25 euros ; de fait, il serait sans doute supérieur.

Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la facilité d'accès au permis de conduire est un sujet important. Nous y réfléchissons depuis des années au sein de cette enceinte. Les associations nous interpellent, les collectivités territoriales elles-mêmes mènent des actions en vue de faciliter cet accès, notamment en essayant d'en réduire le coût. Mais déléguer à des associations pose, outre la question du coût, celle du maillage territorial.

La question du périmètre de votre proposition de loi doit également être abordée, et plus précisément les cinq gestes qui sauvent. Derrière cette terminologie, des actes de nature très différente sont regroupés. Certains actes sont faciles à réaliser et ne nécessitent pas de compétence particulière : alerter les secours, baliser les lieux et protéger les victimes, sauvegarder les blessés de la route en détresse. D'autres actes sont des gestes de secourisme : ventiler par bouche-à-bouche, comprimer une hémorragie. Nous ne pouvons pas les mettre sur le même plan.

La sécurité civile souligne que la ventilation par bouche-à-bouche n'est plus obligatoire dans le cadre des primo-intervenants, une victime qui ne respire pas étant considérée en arrêt cardiaque. Par ailleurs, ce geste peut entraîner des manoeuvres préjudiciables dans le cas de victimes de traumatismes du rachis. Quant à l'hémorragie, celle-ci se révèle le plus souvent interne, du fait de l'amélioration des mesures de sécurité et de sûreté des véhicules.

Monsieur le rapporteur, il convient donc d'être prudent. Si une formation de ce type doit être délivrée, celle-ci ne peut se résumer à quelques heures. Les conséquences d'actes mal exécutés peuvent être graves.

Enfin, si des réformes doivent être réalisées, elles devront faire l'objet d'une consultation et d'une concertation approfondie des acteurs : inspecteurs du permis de conduire, réseaux d'auto-école, associations et citoyens. Ceci nécessite du temps et de l'écoute, et vous ne me ferez pas dévier de cette méthode.

Vous l'aurez compris à l'écoute des multiples préventions que je viens de formuler, le Gouvernement n'est pas favorable à la présente proposition de loi. Néanmoins, je ne me contenterai pas de cette réponse, car je considère comme vous qu'il faut avancer en la matière. En ce domaine, les actions sont perfectibles : il faudra sans doute aller au-delà de la réforme de 2009, l'analyser et la corriger.

Voilà donc quelques propositions pragmatiques et utiles. Pour la formation des enseignants de la conduite, le programme national de formation à la conduite sera revu en 2014. Je propose de mettre en avant la formation au comportement à adopter en cas d'accident. Un seul paragraphe, comme c'est actuellement le cas, ne peut suffire, nous allons donc y travailler.

Concernant les candidats au permis de conduire, je souhaite vous proposer deux pistes de travail. Certains parlementaires, y compris au sein de la majorité, s'interrogent sur l'absence de décret d'application de l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière. Cet article dispose : « Les candidats au permis de conduire sont sensibilisés dans le cadre de leur formation aux notions élémentaires de premiers secours. » Le Gouvernement proposera un décret afin de mettre en application cette disposition. Encore une fois, la définition de ces notions élémentaires de premiers secours sera au coeur du débat.

Par ailleurs, les questions sur l'attitude à adopter en cas d'accident existent déjà dans la banque de questions de l'épreuve théorique que l'on appelle le code. Il s'agit, au fond, de renforcer ce thème. Les candidats, certains de devoir répondre à ce type de questions au moment de leur examen, seront poussés à les travailler sérieusement.

Vous le voyez, le Gouvernement souhaite avancer et répondre aux interrogations qui existent dans ce domaine, mais avec méthode et efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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