Il s'agit de M. Patrick Richard.
Ce contrôleur des impôts – grade en dessous de celui d'inspecteur – a travaillé plusieurs années en binôme avec M. Mangier. Il est à la retraite depuis quelques mois. Lors de son audition par le service régional de police judiciaire (SRPJ) de Nanterre en février 2013, il a dit – et il nous a confirmé ces informations – que M. Mangier avait reçu une information verbale relative à l'existence d'un compte en Suisse que M. Cahuzac aurait utilisé pour le financement de sa campagne électorale. Selon M. Richard, cette information n'aurait pas été transmise par un autre agent de la direction générale des impôts, mais par une personne appartenant à la sphère privée de M. Mangier. M. Richard en est convaincu car, contrairement à ce qui se passait dans des cas similaires, M. Mangier n'a pas souhaité que M. Richard rencontre cette personne.
On constate donc une conception plutôt curieuse du renseignement : les agents qui font ce métier ont l'habitude d'avoir des contacts informels, mais s'ils veulent fiscaliser un dossier, il leur faut amener des éléments précis et savoir qui donne les informations. Ce n'est pas le cas ici ; l'information ne comportait aucune précision : ni le nom de la banque, ni la période durant laquelle les fonds auraient été versés, ni le solde du compte. Le dossier avait été prélevé, à toutes fins utiles, pour savoir si le contribuable avait déclaré un compte à l'étranger et s'il était à jour de ses obligations déclaratives.
M. Richard conserve le souvenir d'un dossier peu épais. Aucune pièce en provenance du service gestionnaire n'a été versée au dossier par la BII de Bordeaux après sa réception en février 2001. Le contrôleur a rapidement constaté qu'il ne pourrait pas exploiter l'information reçue – pas de contact avec la source, aucune précision sur le compte à l'étranger – et il en a informé M. Mangier. Aucune suite n'a été donnée à l'affaire et le dossier personnel de M. Cahuzac n'a pas fait l'objet d'un examen détaillé par la BII de Bordeaux. Selon M. Richard, dont les propos ont été confirmés par les deux chefs de brigade en fonction sur la période 2001-2007, il n'existe aucune trace écrite des raisons du prélèvement du dossier et de la justification de l'absence de suite. Et comme il n'y a pas eu de suite, le chef de la BII de Bordeaux de l'époque, M. Olivier André n'a pas été informé du prélèvement du dossier. Il en aurait été informé, comme il se doit, si l'on avait voulu établir une « fiche 3909 » pour programmer un contrôle fiscal.
M. Laurent Habert, qui a succédé à M. André de 2003 à 2009, a confirmé que le dossier était resté par négligence à la BII de Bordeaux jusqu'au 7 février 2007, date à laquelle il a été renvoyé à Paris, sans avoir fait l'objet d'aucune action concrète ni d'aucune alimentation complémentaire par le service gestionnaire. Je précise que MM. André et Habert ont également été auditionnés par le SRPJ de Nanterre en février dernier.
Ce que je retiens de ce premier épisode, c'est que la hiérarchie n'a pas été informée du prélèvement du dossier, que le contrôleur a fait correctement son travail en constatant qu'il ne pouvait rien en tirer et que le dossier est resté à la BII de Bordeaux manifestement par négligence. Toutefois, comme Mme Pécha vous l'a expliqué la semaine dernière, cela n'a pas empêché le service gestionnaire de continuer à recevoir les déclarations annuelles d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune des époux Cahuzac, et à traiter correctement leur dossier, c'est-à-dire à fiscaliser ce qu'ils déclaraient.