Intervention de Rémy Garnier

Réunion du 12 juin 2013 à 18h00
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Rémy Garnier, inspecteur des impôts à la retraite :

C'est exact. Le problème est que la vérification est toujours en cours. Ce qui met fin à une vérification, c'est la réponse aux observations du contribuable. Je ne serai informé de l'annulation des redressements qu'en novembre, et sommé de répondre dans le sens souhaité par le secrétaire d'État. Dans un premier temps, il s'agit d'un ordre verbal. Je refuse. Je reçois ensuite l'ordre écrit et je n'ai d'autre possibilité que d'accepter, en émettant toutefois des réserves qui seront interprétées plus tard comme quelque peu désobligeantes pour le secrétaire d'État. À l'époque, ma hiérarchie valide ces réserves intégralement et par écrit. Deux ans après, on prétendra le contraire. Je détiens les pièces qui prouvent non seulement qu'elle a approuvé ma position, mais aussi qu'elle a abondé dans mon sens ! Cette affaire m'a valu des félicitations écrites et une augmentation de ma note de 18,25 à 18,5, ce qui me plaçait parmi les meilleurs de ma catégorie – inspecteur du 12e échelon – au niveau national. Contrairement à ce que laisse entendre Mme Amélie Verdier, je n'étais pas le dernier de la classe !

J'ai d'ailleurs apporté une feuille de notation qui montre que j'ai été considéré comme « excellent », voire « exceptionnel », jusqu'à l'affaire France Prune : « vérificateur exceptionnel par sa puissance de travail, par l'approfondissement de ses investigations et analyses » ; « son travail d'une clarté exemplaire et ses facultés de synthèse dans les cas les plus difficiles en font un agent dont la collaboration est particulièrement appréciée » ; « apte au grade supérieur » ; « excellent » dans toutes les cases.

Pour en terminer avec France Prune, je suis réinvesti contre mon gré, en dépit d'un document dans lequel j'explique pourquoi il est inutile de procéder à une nouvelle vérification sur place – document que l'administration, devant le conseil de discipline, prétendra avoir perdu. Mes supérieurs profitent d'une lettre de dénonciation dont le contenu ne me sera révélé que cinq ans plus tard – une « lettre cachée » conduisant à une « lettre de cachet », pour reprendre l'expression des syndicats à l'époque – pour me dessaisir avec la plus grande brutalité et pour me déplacer d'office de la direction régionale Sud-Ouest vers un placard de la direction départementale à Agen. C'est mon premier placard, j'en connaîtrai trois.

J'en viens à la deuxième affaire où mon parcours croise celui de Jérôme Cahuzac, l'« affaire Adonis ». Le 3 avril 2008, après une pré-enquête qui a duré plus d'un an, une procédure disciplinaire est ouverte à mon encontre pour avoir consulté, le 9 mars 2007, le dossier fiscal de M. Cahuzac par le moyen de l'application informatique Adonis. Cette ouverture est décidée par la direction générale à mon insu : je n'en serai informé qu'après la clôture de l'instruction, et c'est à ce moment que je rédige le mémoire intitulé « S'adonner à Adonis », dans lequel il est question du compte suisse de Jérôme Cahuzac et de diverses anomalies dans ses charges et ses revenus déclarés. Ce mémoire dresse le contexte de ces anomalies : les rapports avec les laboratoires pharmaceutiques, l'activité passée au cabinet de Claude Évin, le financement douteux, à hauteur de 4 millions de francs, de l'appartement situé 35, avenue de Breteuil, l'emploi de la femme de ménage sans papiers qui a valu à M. Cahuzac une reconnaissance de culpabilité sans peine. Tous les faits évoqués se sont révélés exacts, à l'exception de la possession de biens à Marrakech et à La Baule – encore étaient-ce là des informations dont je reconnaissais avoir seulement « ouï dire » et dont je demandais la vérification.

Pour ce qui est du compte suisse, je n'utilise pas le conditionnel car mes sources sont fiables. Je pense notamment à un collègue qui a eu l'enregistrement en sa possession et qui m'en a avisé en 2002 ou 2003 – je ne suis pas absolument certain de la date : placé dans un placard, menacé de révocation, définitivement écarté du contrôle fiscal, j'avais à l'époque d'autres chats à fouetter.

En 2006, lorsque je suis affecté à mon troisième et dernier placard, la brigade d'études et de programmation, j'ai tout le loisir d'approfondir la question. Comme il se trouve que Maître Gonelle est aussi mon avocat, je lui pose la question lors d'une rencontre qui n'avait rien à voir avec M. Cahuzac. C'est moi qui l'interroge sur ce compte suisse et non l'inverse. Il me confirme l'existence de l'enregistrement dont il possède deux CD, le contenu précis dudit enregistrement, le fait qu'il en a remis une copie au juge Bruguière. Tout cela me conforte dans l'idée que l'information est solide. Je n'ai pas l'ombre d'un doute quant à la véracité de l'enregistrement et de son contenu.

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