Intervention de Pierre Condamin-Gerbier

Réunion du 3 juillet 2013 à 14h00
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Pierre Condamin-Gerbier, gestionnaire de fortune, ancien associé-gérant de Reyl Private Office :

Les juges d'instruction m'ont pourtant affirmé hier que le caractère particulièrement probant des informations apportées aurait pu motiver une demande complémentaire d'information.

Si j'ignore les spécificités du cas de M. Cahuzac, je peux vous expliquer pourquoi son compte est probablement passé de l'UBS vers Reyl, puis de Reyl Genève vers Reyl Singapour. La pression américaine la poussant à changer en urgence ses procédures, l'UBS a dû rapidement analyser la sensibilité de ses clients classés politically exposed person (PEP) ou « personne exposée politiquement », dont M. Cahuzac faisait certainement partie. Tous les établissements suisses sont obligés de se renseigner sur la nature des liens politiques des clients ou prospects de ce type, et de surveiller particulièrement la source et la destination des fonds reçus et transitant par leurs comptes. Mais dans les petits établissements, les associés décident eux-mêmes si un client doit ou non être classé PEP, et quel type d'information doit être demandé. Dans certains d'entre eux, cette classification n'entraîne donc pas de vérifications plus poussées.

Après ses difficultés avec les États-Unis, l'UBS craint que ses clients PEP français ne fassent également l'objet d'investigations. Les personnes comme M. Cahuzac doivent donc trouver un établissement plus petit dans lequel l'accès direct à l'actionnaire permet de demander un traitement sur mesure et – peu de personnes ayant connaissance de l'existence du compte – un contrôle renforcé de la confidentialité. C'est pourquoi, à mon avis, Hervé Dreyfus a recommandé la société Reyl : demi-frère de Dominique Reyl, il bénéficie d'un accès direct à la direction et à l'actionnaire, et peut piloter la relation avec M. Cahuzac à toutes les étapes.

Quant au transfert à Singapour, je l'ai dit, le phénomène a touché l'ensemble des clients français possédant des actifs non déclarés en Suisse. La renégociation des conventions entre la Suisse et les autres membres de l'OCDE oblige ce pays, depuis le 1er janvier 2010, à répondre aux demandes d'information des autorités étrangères concernant les comptes non déclarés, alors qu'auparavant les cas de soustraction et d'évasion fiscales échappaient à cette obligation. Comme la quasi-totalité des autres établissements, Reyl envoie donc d'urgence l'ensemble des comptes non déclarés hors de Suisse, en l'espèce à Singapour.

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