Non, elles relèvent du droit de places offshore comme les Îles vierges britanniques, Caïman, Bahamas, etc. On ferme le compte détenu en nom propre puis on achète ou crée via un correspondant une petite société, laquelle ouvre elle-même un compte dans le même établissement. On transfère ensuite les actifs d'un compte à l'autre et on ferme le compte d'origine.
Lorsque l'Europe a compris que les mailles du filet étaient trop larges, les textes ont changé pour inclure les comptes détenus par des sociétés. Mais cela a été fait de façon maladroite, si bien que les comptes détenus par des structures de type anglo-saxon comme les trusts – notamment les trusts irrévocables et discrétionnaires – ont largement échappé à ces dispositions.
La deuxième parade a consisté à faire acheter la société offshore par un trust nouvellement créé. Pendant longtemps, sur le formulaire A, censé exposer l'identité et les coordonnées de l'ayant droit économique, on ne faisait figurer comme bénéficiaire réel que le trustee et non les fondateurs ou les bénéficiaires. En dépit des changements réglementaires intervenus en Suisse, cette technique a permis de continuer d'ouvrir des comptes avec un maximum d'opacité.
La Suisse a cependant été contrainte, notamment pour des raisons de lutte contre les avoirs d'origine criminelle, d'introduire un formulaire analogue au formulaire A mais destiné aux trusts, le formulaire T.
Il ne reste donc que très peu de solutions pour ouvrir un compte sans tromper l'établissement – sachant que la pratique consistant à ouvrir un compte en son nom mais avec l'argent d'un autre est passible de recours. Ironie de la chose, la solution principale restante a été involontairement donnée par la France et l'Europe.
Au départ, en effet, l'administration fiscale française donnait deux options à l'acheteur d'un bien immobilier en France au travers d'une structure de droit étranger : soit dire qui est derrière cette structure, auquel cas s'applique l'imposition française habituelle en matière d'immobilier ; soit ne pas le dire, et être taxé à hauteur de 3 % de la valeur vénale du bien chaque année.
Considérant que ce dispositif pouvait porter atteinte à la liberté d'établissement et d'investissement économique, l'Europe a adopté un texte, repris par la France, en vertu duquel, si la société de droit étranger qui acquiert un bien immobilier directement ou via une société civile immobilière française est détenue par une société d'assurance vie de droit européen cotée sur un marché européen, l'administration fiscale se satisfait de savoir que l'ayant droit économique « réel » est la société d'assurance vie elle-même, sans poser aucune question concernant les souscripteurs, les vies assurées et les bénéficiaires du contrat d'assurance vie. Aujourd'hui, la plupart des investissements en matière d'immobilier de prestige en France sont structurés de cette manière. Bon nombre de grands palaces parisiens et autres fleurons de l'immobilier sont détenus ultimement par des contrats d'assurance vie luxembourgeois.
Les autorités bancaires Suisses ont saisi l'occasion et jusqu'à une date très récente, ont autorisé que l'on ne fasse figurer sur le formulaire A – c'est-à-dire le formulaire d'identification de l'ayant droit économique – que le nom de la société d'assurance vie, généralement luxembourgeoise, qui ouvre le compte. À toute demande d'information réalisée auprès de ces établissements sur la base du nom d'une personne physique, l'établissement pouvait répondre sans mentir qu'il n'avait pas connaissance de la personne en question.