D'abord, je voudrais qu'on se remette un peu dans l'esprit de l'époque : nous sommes attelés à une tâche très compliquée, et la responsabilité, pour le coup, des ministres qui sont à Bercy, notamment du ministre des finances et du ministre du budget, des autres aussi, bien sûr, est lourde, parce qu'il s'agit de redresser les comptes publics. C'est un travail harassant. C'est un travail important accompli par des ministres qui sont évidemment très en vue pour les Français, et qui doivent incarner la confiance.
Le 4 décembre, quand arrive cette mise en cause, elle crée une émotion générale. Je ne vais pas parler d'irritation, je parle d'abord d'émotion, qui culmine avec la séance de questions d'actualité, au cours de laquelle Jérôme Cahuzac vous affirme et à nous aussi, que, il n'a pas eu de compte à l'étranger, à aucun moment.
Et à partir de ce moment-là, cette affaire est évidemment prise au sérieux sur le plan politique : un ministre du budget, qui est au coeur des processus de lois de finances et autres, qui est accusé d'avoir eu un compte à l'étranger, donc avec des conséquences fiscales, ça n'est pas rien. Et donc c'est une affaire qui attire l'attention de tous. D'où la « muraille de Chine », d'où la préparation de la procédure d'entraide administrative, d'où la tension politique constante qui est portée là-dessus. Alors ce qui se passe, je n'utiliserais pas le mot d'irritation, c'est qu'à partir d'un certain moment, il commence à y avoir un peu d'impatience, impatience qui s'accroit encore quand s'ouvre l'enquête préliminaire, le 8 janvier. C'est une nouvelle étape. Il faut accélérer.
Qu'est-ce que nous voulons savoir ? C'est simple, la vérité, contrairement à ce qui a pu être laissé entendre ici ou là. Evidemment, nous n'avons aucune forme d'information qui laisse à penser que Jérôme Cahuzac aurait eu ce compte à l'étranger, autre que les allégations de Mediapart. Nous voulons savoir, nous voulons savoir.
Il est exact qu'à ce moment-là, Jérôme Cahuzac évoque – je crois que d'ailleurs, cela a été mentionné, au moins dans Le Monde, qui avait publié un article disant qu'il avait posé des questions, mais pas forcément les bonnes – je parle de mémoire. Il dit que, via ses avocats, il va interroger l'UBS sur le fait qu'il n'avait pas de compte en Suisse. Comme la réponse ne parvient pas, nous lui disons que nous allons utiliser la procédure qui est entre nos mains, c'est-à-dire la procédure d'entraide. Pour quoi faire ? Toujours la même chose, savoir la vérité.
Vous me demandez à quel moment le doute méthodique s'est transformé en autre chose. Cette formule, qui vaut ce qu'elle vaut, exprime la balance entre, d'un côté, la confiance à un homme qui vous donne sa parole, avec autant de force, qui vous l'a redit, qui vous le répète, qui se montre disponible pour les recherches de la vérité et, de l'autre, le fait de se demander : et si c'était vrai, si c'était vrai ! C'est grave ! On doit donc tout faire pour savoir ce qui s'est vraiment passé.
Mais, ce doute méthodique, je l'ai eu jusqu'au bout, avec des hauts et des bas, avec des moments où effectivement, je pouvais ressentir – je suis un être humain – des sentiments contradictoires. L'article du Journal du dimanche a été un moment pour moi un peu dur. Je n'en ai pas tiré la conséquence que ce qu'il disait n'était pas exact, mais le fait qu'on ait voulu – qui, je ne sais pas – solliciter la vérité, faire dire à la réponse suisse plus ce que ce qu'elle disait.
Mais j'ai toujours éprouvé le doute méthodique du premier au dernier jour. Je peux vous dire, monsieur le Président, que quand j'ai appris, le 2 avril, le mensonge, l'aveu, ça a été un choc terrible pour moi. Il se trouve que, à ce moment-là, je sortais d'ici et je suis allé chez le président de la République, puisque c'est le mardi souvent que je le vois. Choc d'autant plus terrible que j'avais eu confiance dans un homme avec qui je travaillais, qui m'a menti, qui a menti à tout le monde, peut-être un peu plus à moi, parce que j'étais son ministre de tutelle, et que nous avions plus d'occasions d'en parler.