Intervention de Didier Migaud

Réunion du 4 juillet 2012 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Selon la Cour, la surévaluation des recettes de l'IS était prévisible, dans la mesure où l'hypothèse d'élasticité n'a pas été revue en dépit de l'apparition d'indices qui incitaient à relativiser l'optimisme du niveau d'abord retenu. Quant à la croissance elle-même, il est vrai que le point de vue des conjoncturistes a pu varier au cours de l'année.

Pour ce qui est de la masse salariale, nous avons élaboré plusieurs scénarios vous permettant d'atteindre les objectifs annoncés : avec une croissance de 1 %, le respect des 3 % de déficit représente un effort de 33 milliards d'euros. Il incombe bien entendu au Gouvernement et au Parlement de faire le partage, d'une part, entre économies et recettes – même si le redressement est plus durable dès lors que l'on agit sur la dépense et que les ajustements, jusqu'alors, ont essentiellement porté sur les recettes –, et, d'autre part, entre les différentes administrations publiques : non seulement l'État, qui ne peut assumer tout l'effort, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Quoi qu'il en soit, la maîtrise des dépenses implique celle de la masse salariale, laquelle, à effectifs constants et malgré un gel du point d'indice, augmente de 1,6 % par an, compte tenu d'autres éléments de rémunération – GIPA, GVT et déroulement de carrière. Les seules marges en la matière passent donc par des réductions d'effectifs.

L'enveloppe normée en faveur des collectivités est d'environ 50 milliards d'euros, hors FCTVA ; la Cour est bien entendu à votre disposition, monsieur le président, pour réfléchir à une évolution de son périmètre. Reste que la contrainte est plus forte pour les régions et les départements que pour les communes ou intercommunalités, pour lesquelles le rapport de l'Observatoire des finances locales montre qu'il existe des marges de manoeuvre. L'État peut donc décider de conduire une politique différenciée.

Comme l'a suggéré M. de Courson, un meilleur pilotage des finances publiques serait nécessaire. Celui-ci peut d'abord se faire dans un cadre contractuel avec les collectivités, mais il faudra sans doute, à terme, passer par une loi organique.

Mme Sas a insisté sur l'impact économique des politiques budgétaires actuelles. L'effort de redressement peut évidemment avoir des conséquences sur l'activité. Mais plus on attendra, plus le prix à payer par nos compatriotes risque d'être élevé, la charge de la dette augmentant mécaniquement à proportion de cette dernière, avec un emballement possible des taux ; en ce cas, l'effort peut nous être imposé par nos créanciers et nos partenaires européens. La Cour n'entend évidemment pas tenir un discours d'austérité : elle rappelle le contexte, afin de permettre aux autorités politiques de mesurer les avantages et les inconvénients des orientations qu'elles fixent.

M. Sansu a évoqué d'autres pistes pour économiser les 33 milliards d'euros qui manquent. La Cour a seulement mis ce chiffre en évidence, les autorités politiques ayant à décider des arbitrages pour l'atteindre. Il faut néanmoins comparer ce qui est comparable : si les taux d'intérêt peuvent être très faibles pour des emprunts à court terme, ils sont naturellement plus élevés pour les emprunts à moyen terme. Les taux de la BCE concernent des prêts à très court terme, mais lorsque les banques prêtent à leur tour aux pays, elles le font à plus long terme.

Quant à la règle d'or, il appartient, là encore, au pouvoir politique d'en décider. La Cour insiste seulement sur la nécessité de règles, même si les adopter ne suffit pas : il faut encore les respecter, ce que notre pays, en multipliant les dépenses fiscales afin de contourner les normes de dépense budgétaire, n'a pas toujours fait. En toute hypothèse, une loi de programmation nous semble devoir s'imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. En particulier, une éventuelle règle d'or devrait s'imposer aux comptes sociaux, tant il nous semble anormal de faire reposer le financement de dépenses courantes sur les générations futures. Les générations qui dépensent doivent elles-mêmes assurer les financements qui correspondent, sinon aux investissements, du moins aux dépenses courantes.

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