Au 21 décembre, tout ce qui est aujourd'hui au coeur de l'instruction judiciaire en cours est donc connu ; les établissements bancaires et les intermédiaires sont nommés, y compris Marc Dreyfuss, installé à Singapour ; la chronologie est donnée ; la question de l'origine des fonds et celle des laboratoires pharmaceutiques sont soulevées – vous savez qu'elle est liée à celle du financement politique illicite, comme ce fut le cas avec le pétrole, avec l'affaire Elf, ou avec les ventes d'armes, avec aujourd'hui l'affaire Karachi ; le conflit d'intérêts est public. Les vérifications fiscales approfondies du patrimoine de M. Cahuzac sont en cours ; le fait que l'administration dispose d'éléments importants dans ses archives est notoire. Rémy Garnier, malgré les calomnies dont il fait l'objet, précise à nos confrères du Parisien : « Dans le dossier fiscal de Jérôme Cahuzac, j'ai noté des anomalies apparentes et chiffrées. Des revenus omis. Une déduction fiscale d'un montant important puisque, même si cela ne représentait pas grand-chose pour quelqu'un comme Cahuzac, elle représentait le salaire annuel d'un ouvrier. Il manquait aussi des justificatifs. Je ne comprends pas que le fisc ne demande rien à un tel contribuable sous prétexte qu'il est député. »
Tout cela, nous l'avons dit et répété. Le 26 décembre, le directeur éditorial de Mediapart écrit une synthèse : « L'affaire Cahuzac pour ceux qui ne veulent pas voir ».
Nous sommes à ce moment convaincus que la vérité sera reconnue très rapidement. D'abord, Mediapart a acquis en cinq ans d'existence, sous deux majorités différentes, un certain crédit et démontré son indépendance.
Ensuite, il m'est arrivé de débattre de la question des révélations journalistiques et de leurs conséquences sur la vie publique avec celui qui est aujourd'hui devenu Président de la République, François Hollande. Dans un livre, Devoirs de vérité, paru en 2006, je l'interroge sur la gestion des affaires par un pouvoir exécutif, à partir d'un cas précis : celui des Irlandais de Vincennes, en 1983, première affaire d'État que j'ai connue comme journaliste. François Hollande était alors directeur de cabinet du porte-parole du Gouvernement de l'époque, chargé de faire contre-feu et donc de mentir. François Hollande savait que je lui disais alors combien la communication qu'il était amené à mettre en oeuvre était inexacte. Voici sa réponse : « De cette brève expérience, je retiens qu'à l'origine de toute affaire, au-delà de son contenu même, il y a d'abord un mensonge. La vérité est toujours une économie de temps comme de moyens. La vérité est une méthode simple. Elle n'est pas une gêne, un frein, une contrainte ; elle est précisément ce qui permet de sortir de la nasse. Même si, parfois, […] le vrai est invraisemblable. »
À l'époque de nos révélations, des collaborateurs, des entourages du pouvoir exécutif, du Premier ministre, du Président de la République, s'approchent de Mediapart et nous interrogent sur le sérieux et la solidité de notre enquête. Nous leur détaillons notre travail et leur disons combien nous sommes sûrs de notre fait. Nous sommes convaincus que la vérité sera reconnue. Nous leur faisons même remarquer qu'une absence de réaction des pouvoirs publics ne sera absolument pas comprise lorsque la vérité éclatera : personne ne comprendra que l'État n'ait pas les moyens de savoir mieux que le petit Mediapart ce qu'il en était.