Ayant suivi longtemps les questions de police, je sais que l'administration policière est très verticale, très centralisée. S'il existe vraiment un rapport du DDSP du Lot-et-Garonne – ceci se passe à Agen –, il est sans doute remonté, mais vous avez bien plus de moyens que nous pour obtenir une réponse sur ce point des administrations concernées.
Il y a ensuite la question de la plainte contre Mediapart annoncée par M. Cahuzac. Elle donne lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire, dans le cadre de laquelle je suis convoqué pour être entendu par la police judiciaire le 17 décembre. On me fait lire la plainte ; je me contente de répondre sur mon identité et d'assumer ce que nous avons publié ; mais je découvre un détournement de procédure, qui porte atteinte à l'indépendance et à la liberté de la presse : la plainte est rédigée sur le fondement de l'alinéa 1er bis de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui dispose : « Dans les cas d'injure et de diffamation envers un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice. » La garde des sceaux transmet donc la plainte au procureur de la République, lequel diligente les vérifications d'usage sur le journal ainsi que sur l'identité de son directeur et de l'auteur de l'article.
Je fais acter sur le procès-verbal de police ma protestation : la plainte qui vient de m'être signifiée est un détournement de procédure, car M. Cahuzac n'est pas mis en cause ici en tant que ministre, mais en tant qu'individu. Si vous vous interrogiez sur l'inconscience totale qui règne sur la question centrale du conflit d'intérêts, en voici une illustration : la direction des affaires criminelles et des grâces n'a vu aucun problème à transmettre une plainte contre Mediapart par cette voie, comme si l'ensemble du Gouvernement en était solidaire.
À cause de ma protestation, la place Vendôme demandera à M. Cahuzac de rédiger une autre plainte – la garde des sceaux vous dira peut-être qui le lui a dit. M. Cahuzac parle de deux plaintes, mais celles-ci ne s'ajoutent pas l'une à l'autre : la première est remplacée par la seconde, une plainte ordinaire pour diffamation avec constitution de partie civile. Vous le savez, il n'y a alors aucune investigation sur le fond : on se contente de vérifier qui a publié l'information. Le procès se déroule ensuite un à deux ans plus tard.