En matière de fraude et d'évasion fiscales, plusieurs services peuvent recevoir des signalements, de la part de TRACFIN, de la douane, de la DGSE. Notre collègue Antoine Peillon dont le livre et sa propre enquête ont conduit à l'ouverture de l'enquête sur UBS, affirme que la DCRI avait des informations très précises sur cette banque, dans laquelle M. Cahuzac avait un compte.
Je comprends le sens de la question de M. le rapporteur et je suis prêt à croire M. Moscovici quand il invoque sa bonne foi, mais elle ne le prémunit ni contre la maladresse, ni contre la naïveté, ni contre un mauvais fonctionnement de l'État. M. Moscovici n'a pas forcément été le complice d'une manoeuvre destinée à étouffer la vérité, mais il a mal travaillé.
En termes de responsabilité politique d'abord. Imaginez-vous membre d'un gouvernement qui vit sa première épreuve morale. L'un de vos collègues a juré devant la représentation nationale qu'il est innocent de ce dont on l'accuse, mais il refuse de confirmer en signant un document confidentiel couvert par le secret fiscal. Il y a un problème de responsabilité politique et un gouvernement investi d'autorité en tirerait les conséquences. C'est le premier point, mais il n'est pas très pertinent pour la chronologie puisque nous n'en avons eu confirmation qu'après.
Nous sommes très à l'aise sur le sujet puisque nous avions soulevé la question dans les mêmes termes à propos de M. Woerth, au moment de l'affaire Bettencourt, à savoir les conflits d'intérêt. Nos révélations ont d'ailleurs donné naissance à une commission qui a fait des recommandations. Depuis le premier jour, nous avons écrit que le ministre du budget – et le Gouvernement avec lui – est pris dans un conflit d'intérêts manifeste. Comment peut-il donner des consignes à l'administration fiscale alors qu'il est lui-même mis en cause ? Comment son administration peut-elle lui faire crédit quand il refuse de s'expliquer devant elle ? Et qu'il l'utilise, en particulier avec le petit communiqué de ce fameux samedi soir 22 décembre, avant la manoeuvre suisse ?
Je ne peux que constater qu'en décembre, tout est sur la table, que tout pourrait se dénouer rapidement dans une démocratie normale. À partir du moment où l'enquête préliminaire commence, où le cabinet du ministre de l'intérieur – et pas seulement le parquet – est informé de son déroulement, où les enquêteurs entendent nos témoins, y compris le banquier suisse, on fait à la Suisse une demande mal formulée, secrète, confidentielle, et dont la publicité qui est faite autour est instrumentalisée à des fins de communication. Il suffirait d'admettre qu'il y a eu erreur – même de bonne foi. C'est tout ce que nous demandons à M. Pierre Moscovici. Et il serait bon que toutes les familles politiques en tirent les conséquences.