Fabrice a conclu excellemment, mais vous m'avez demandé ce que ferait Mediapart à propos de la commission d'enquête. Nous essayons d'éviter le conflit d'intérêts. Le site diffuse la retransmission en direct. Le journaliste parlementaire rendra compte de vos travaux. Et, pendant ce temps, nous menons nos enquêtes sur l'ensemble des questions soulevées par l'affaire, en particulier celle du secret bancaire, plus dur à percer que le secret défense pour des enquêteurs indépendants.
Les policiers de l'office dont a parlé Fabrice nous disent qu'il faut, pour en venir à bout, les techniques de la lutte anti-mafia. Il faudrait un statut de repenti, pour que les gens parlent. Le point commun de tous nos dossiers, encore une fois, c'est l'ampleur du détournement de la richesse nationale vers les paradis fiscaux. Il leur faudrait des moyens pour les infiltrer, comme cela se fait dans les organisations secrètes. Donnez-les leur !
Et donnez des moyens à tous. La CADA, qui a été citée, n'a pas autorité sur toutes sortes d'autres autorités administratives indépendantes, qui refusent de suivre ses avis. Votez une grande loi sur la liberté de l'information. Faites ce FOIA à la française que toute notre profession réclame depuis des années, et qui permettrait l'accès public à l'information. Au temps du numérique, de l'open data, ce serait essentiel, et constituerait le ferment d'une culture démocratique.
J'ai bien vu qu'il y avait des opinions différentes parmi vous, mais j'aimerais vraiment, quand nous révélons des faits qui dérangent la majorité, quelle qu'elle soit, ne pas recevoir chaque fois le soutien de l'opposition qui, redevenue majoritaire, nous combat, et inversement. J'aimerais que se dégage une majorité d'idée sur cette question. Que ceux qui nous font aujourd'hui des compliments se rendent compte combien nos révélations sous la présidence précédente étaient utiles aussi et que les autres se souviennent de l'approbation qu'ils nous donnaient alors. En rester à un affrontement partisan autour de nos révélations, à la défense d'un camp plutôt que des principes, mine la démocratie. Nous révélons des faits dans l'espoir de la faire progresser et de la renforcer, pas de la décrédibiliser. Si cette commission d'enquête, la première en trente-cinq ans sur une affaire que j'ai contribué à révéler – il n'y en a pas eu sur l'affaire des Irlandais de Vincennes, ni sur l'affaire Greenpeace, ni sur l'affaire Pechiney,… – pouvait tirer la démocratie vers le haut, le travail de Mediapart n'aura pas été inutile.