Je vous remercie Monsieur le Président et je tiens à vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, combien je suis honoré d'être auditionné aujourd'hui par votre Commission.
Vous avez parlé de « Médiateur », Monsieur le Président : vous auriez pu tout autant me qualifier de « facilitateur » car, à proportion, je fais moins de médiation que mes deux autres collègues Médiateurs auxquels vous avez également fait référence.
Ma lettre de mission se subdivise en trois parties.
La première consiste à faciliter l'accès des entreprises aux marchés et à la commande publics qui représentent tout de même environ 200 Mds d'euros. Je suis moi-même un ancien chef d'entreprise, j'ai des responsabilités comme vice-président confédéral de la CGPME dans le monde de l'entreprise et je suis donc pleinement conscient de l'enjeu que représentent les commandes et les carnets de commandes pour les entreprises.
Par ailleurs, chacun est conscient de la lourdeur, du caractère complexe et contraignant du code des marchés publics et de la réglementation qui s'appliquent aux marchés publics. La deuxième partie de mes fonctions consiste donc à voir, tout en respectant la loi bien évidemment, comment aider et si possible favoriser les entreprises françaises dans leur accès à la commande publique en faisant notamment de la pédagogie afin de les inciter à répondre à de telles offres.
La troisième partie de mes fonctions consiste à effectuer de la médiation au sens classique du terme. Il existe parfois de vraies incompréhensions entre les entreprises et les donneurs d'ordre public, que ce soit les premières qui ne comprennent pas les seconds ou que les seconds ne soient pas satisfaits du résultat réalisé par les premières : il faut que les rapports s'améliorent. Il existe aussi des cas où des entreprises ont candidaté sans succès à un marché et se plaignent car ce sont des entreprises étrangères qui l'ont finalement remporté. Là, il faut que j'appelle les chefs d'entreprises et que, au regard des éléments que j'ai en ma possession et ne leur parlant de chef d'entreprise à chef d'entreprise, je leur explique en quoi telle ou telle décision est logique ou pas, et voir comment faire en sorte qu'ils puissent être guidés vers un autre marché public en présentant peut-être un autre produit.
Voici comment je vois les choses.
Il faut tout d'abord faciliter l'accès aux marchés publics : il faut inciter les entreprises à y aller, à candidater alors que nombre d'entre elles pensent que ces marchés ne sont pas faits pour elles. Je dois d'ailleurs à ce stade vous préciser que les commandes publiques recouvrent bien sûr les marchés passés par les personnes publiques (État, collectivités territoriales…) mais aussi toutes les commandes passées par les entreprises où l'État est actionnaire. Depuis ma nomination le 19 décembre dernier, j'ai rencontré plus de 3 000 entreprises, pas personnellement certes mais à travers notamment les réseaux professionnels et les différents relais existants. Je souhaite que vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, incitiez les entreprises, lorsque vous les rencontrez, à prendre contact avec nous pour que nous les aidions à aller vers ces marchés. Ainsi, j'ai récemment été en contact avec un artisan doreur - décorateur qui m'a demandé s'il pouvait accéder à ce type de demandes : je lui ai répondu par l'affirmative bien évidemment, certains monuments ayant besoin de réfections et donc d'artisans de talent. Nous allons donc prochainement lancer et diffuser un guide « Osez la commande publique » à l'adresse des entreprises de notre pays afin qu'elles aillent vers ce type de marchés et que les relations entre acteurs publics et entreprises se développent. Inversement, je vais également diffuser un autre guide, cette fois-ci plus spécifiquement à l'adresse des acheteurs publics.
S'il existe une incompréhension globale entre les deux parties, il faut néanmoins adapter les solutions aux domaines concernés afin que l'information me remonte directement de la part des chefs d'entreprises. J'ai créé à cet effet 7 groupes de travail qui traitent des thèmes suivants : santé et innovation, textile, intelligence économique, sécurité et normes, technologies de l'information et de la communication, simplification, questions juridiques. Il existe des problématiques qui sont propres à certaines filières ; ainsi, dans le domaine de la santé et de l'innovation, une entreprise française a créé une machine très performante pour détecter des glaucomes en ayant bénéficié de 30 M€ de fonds publics et privés. Or, seuls les établissements privés ou étrangers achètent cette machine, et non les CHU car, étant donné qu'il s'agit d'un produit innovant, cet outil n'est pas mis en concurrence, ne fait pas l'objet d'un appel d'offres et le prendre contreviendrait au droit communautaire ! Et ce n'est pas là le seul exemple. Je connais également une entreprise qui fabrique des stents souples, qui sont des petits ressorts permettant de garder certaines artères ouvertes ; cette entreprise connaît les mêmes problèmes de vente alors que ces produits sont vendus aux États-Unis, en Allemagne et qu'elle fait elle-même l'objet d'une offre de rachat américaine. Je souhaite ardemment que les fonds publics français ne financent pas ainsi une entreprise qui risque de devenir étrangère ! De manière globale, on souhaite faire bouger les lignes avec l'ensemble des acteurs publics et privés. Nous avons également créé un groupe de travail sur le textile car c'est un secteur en difficulté en France et la commande publique doit l'aider à se développer. Il existe également un groupe dédié aux technologies de l'information et de la communication ; j'ai mis en rapport plusieurs acteurs dans trois régions, à Nice Sophia Antipolis, en Bretagne et à Grenoble pour que des chefs d'entreprises et des responsables de marchés publics se réunissent et travaillent ensemble pour améliorer procédures et rapports professionnels.
Il existe un autre obstacle qui sont les complications administratives d'où d'ailleurs la création d'un groupe de travail dédié. Nos entreprises sont parfois en distorsion de concurrence avec des entreprises étrangères sur des appels d'offres ; il importe que les entreprises françaises ne subissent pas plus de contraintes, notamment en matière de paperasserie, que les entreprises étrangères dans les réponses aux appels d'offres. Ainsi, à titre d'exemple, sachez que toute entreprise française doit donner un certain nombre de documents (aux URSSAF, au Trésor…) pour prouver qu'elle est à jour de ses cotisations lorsqu'elle répond à une commande publique alors que les entreprises étrangères n'ont aucune obligation similaire. C'est étonnant mais aussi gênant car obtenir un document administratif peut parfois être long, lourd et conduire à rater un marché pour de simples questions de délais de transmission.