Intervention de Jean-Lou Blachier

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Lou Blachier, Médiateur des marchés publics :

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, pour ces questions très riches, dont un grand nombre portent sur les entreprises et en particulier sur les PME.

M. Mathis m'a interrogé sur la place du BTP et, rassurez-vous, les groupes de travail que j'ai mis en place sont composés de chefs d'entreprises issus des différents secteurs, dont le BTP. C'est d'ailleurs essentiel car ce sont eux qui répondent aux appels d'offres. Permettez-moi de citer un exemple de l'importance de travailler directement avec les professionnels. Dès ma nomination, j'ai rencontré M. Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment. Je le connais personnellement et il s'agit donc de la première personne que j'ai rencontrée. Il m'a fait part d'un problème que rencontrent régulièrement les entreprises de BTP : les retenues de garanties. En pratique, les travaux de construction d'un bâtiment sont en général réalisés par plusieurs types d'acteurs : l'un réalise le gros oeuvre, l'autre les finitions. Il est d'usage que l'acheteur public retienne 5 % de garantie jusqu'à ce que la construction soit entièrement finalisée. Ce dépôt de garantie n'est remis à l'entreprise qu'une fois les travaux terminés, si l'entreprise est capable de prouver que tout est en ordre. Didier Ridoret m'a confié que les acteurs du BTP tentaient de faire évoluer les choses depuis une douzaine d'années et a souhaité que j'aide à faire évoluer les choses ! J'ai donc décidé d'agir avec tous les acteurs de la sphère publique afin de trouver une solution. J'ai réuni tous les services de l'État autour d'une table et, après des mois des réflexions, je leur ai soumis une proposition assez simple : inverser la charge de la preuve. Le principe consiste à garantir le paiement dans un délai qui reste à définir, à moins que le commanditaire parvienne à prouver une malfaçon particulière. Tous se sont ralliés à cette proposition même si, comme je le disais, la question du délai reste à définir. Quelle que soit la longueur de celui-ci, la situation sera toujours meilleure qu'aujourd'hui. Le Premier ministre a d'ailleurs repris cette proposition dans le cadre du choc de simplification en faveur de la compétitivité. Didier Rirodet m'a convié aux 24 heures du bâtiment et admis que, grâce à la Médiation des marchés publics, la vie des entreprises allait être grandement facilitée.

Vous avez tous raison sur un point : il faut clairement « desserrer le col » des acheteurs publics. Un élément très étonnant consiste à ce que les acheteurs publics soient personnellement et pénalement responsables pendant une durée de trois ans à compter de la passation d'un marché public. Cette disposition est particulièrement anxiogène pour ces acheteurs qui passent un très grand nombre d'appels d'offres chaque année. La conséquence en est que les acheteurs publics s'attachent au respect strict d'obligations étendues afin de ne pas encourir de critiques.

Je vais illustrer mon propos par une situation où l'acheteur public devrait être à la pointe de l'innovation et aller à la rencontre des entreprises sur le terrain. Mais en réalité les acheteurs publics ne veulent surtout pas rencontrer les entreprises afin d'écarter toute idée de collusion. Je crois donc qu'il faut réduire la période de responsabilité des acheteurs et les placer vis-à-vis des entreprises dans la situation de leurs collègues allemands ou italiens. Il est nécessaire de réviser nos textes pour aller vers d'avantage d'harmonisation au sein de l'Europe. Si l'on veut que les acheteurs publics se tournent davantage vers le mieux disant plutôt que le moins disant, si l'on souhaite privilégier la responsabilité sociale des entreprises (RSE), alors il convient de leur redonner des marges de décision et de motivation. Aujourd'hui en effet les acheteurs privilégient le critère du prix qui est le plus objectivement mesurable mais qui conduit parfois à choisir, pour quelques dixièmes de point, des entreprises géographiquement éloignées au détriment des préoccupations écologiques.

Je précise que les sept groupes de travail qui ont été mis en place ont notamment pour fonction d'identifier les problèmes afin que le Parlement puisse adopter des réformes.

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