Intervention de Jean-Lou Blachier

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Lou Blachier, Médiateur des marchés publics :

Je regrouperai l'ensemble de vos interventions en six thèmes : les délais de paiement ; les réseaux d'ambassadeurs ; la concurrence étrangère ; les cantines scolaires ; le manque de réponses des entreprises à la commande publique ; la proposition de modification du système de sélection des offres.

S'agissant de ce dernier point, les règles que vous proposez, M. Taugourdeau, sont en tous points similaires aux règles en vigueur en Suisse. S'il semble difficile de les appliquer en France, en raison des règles posées par le droit communautaire, elles apporteraient cependant une amélioration. En effet, le code des marchés publics permet d'éliminer d'emblée les offres « anormalement basses », mais il est en réalité complexe d'apporter la preuve que l'offre est basse pour des raisons anormales.

En matière de délais de paiement, vous m'avez questionné sur la proportion d'entreprises publiques ayant à se plaindre d'entreprises privées. Ces cas ne sont pas fréquents, contrairement à la situation inverse : dans 30 % des cas, les entreprises privées rencontrent des problèmes de délai de paiement avec la sphère publique. Cette situation explique que de nombreuses entreprises renoncent à candidater car elles sont certaines de ne pas être payées dans les délais. Un collègue de la CGPME m'avait indiqué qu'il ne répondait pas aux marchés publics car il préférait les choses simples. J'ai tenté de le convaincre que sa vision était fausse et que la commande publique offrait stabilité et prévisibilité aux entreprises.

Je vais vous donner un autre exemple : celui d'une entreprise du Var, dont l'expert-comptable avait préconisé le dépôt de bilan. Le dirigeant de cette entreprise m'a contacté car il se refusait à déposer le bilan de son entreprise familiale, qui avait été créée voilà plus de cent ans. Il m'a indiqué dépendre à 80 % de la sphère publique. Le dépôt de bilan était alors le plus mauvais choix à faire, car cela l'aurait exclu de facto des marchés publics ! Dans les dix jours qui nous restaient avant la cessation de paiement, nous nous sommes démenés auprès des administrations pour réclamer la facturation des offres et nous avons récolté 300 000 euros ! La plupart du temps, le retard résultait de la longueur du circuit administratif ; ainsi, certaines factures n'étaient tout simplement pas parvenues au bon service. C'est pourquoi je préconise la dématérialisation de ces factures : il faudrait permettre le paiement sur la base d'une facture transmise par courrier électronique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, la facture devant être présentée sur élément papier. Quant au réseau des ambassadeurs, j'en ai parlé tout à l'heure. Ces derniers seront bien évidemment choisis sur la base du volontariat, sur le modèle, pourquoi pas, de la CGPME, où nous sommes tous des chefs d'entreprise volontaires, et attachés aux échanges d'expériences et de bonnes pratiques. Ces ambassadeurs joueront un rôle similaire dans leur région. Il leur appartiendra également de faire remonter les informations, dans un cadre auquel participeront aussi les acteurs publics, c'est la raison pour laquelle je souhaite que cet échange-là ait lieu à la préfecture.

En ce qui concerne la concurrence étrangère, c'est un vrai sujet. Lors d'un déplacement la semaine dernière à Perpignan, il m'a été ainsi rapporté qu'une caserne de pompiers allait être construite par une entreprise espagnole. Ici, la question est celle du choix entre moins-disant et mieux-disant. Il faut faire le choix du mieux-disant, car celui du moins-disant est très pénalisant pour nos entreprises. J'ajouterai la question des garanties à apporter, comme un autre exemple l'illustre, dans les Alpes-Maritimes avec une entreprise italienne, très rapidement défaillante après la passation du marché. Il est essentiel que les entreprises étrangères soient soumises aux mêmes obligations que les entreprises françaises en matière de justification de leur situation : c'est l'une de mes propositions. La Chambre de commerce et d'industrie dans le ressort de laquelle l'appel d'offre est passé devrait pouvoir juger du respect par l'entreprise étrangère des obligations imposées aux entreprises françaises : ce serait un élément d'équité, et cela créerait de plus un lien entre elle et ces entreprises.

Vous m'avez aussi interrogé sur le faible taux de réponse des entreprises françaises aux appels d'offre. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où les entreprises s'autocensurent, par crainte du temps, de la complexité et du coût financier et humain que cette procédure implique à leurs yeux, en particulier pour les plus petites d'entre elles. Lorsque des dossiers d'appels d'offre français font cent pages en France, ils ne font que dix pages dans le reste de l'Union européenne : dans ce cas, il est bien évident que la simplification jouera à plein. Je vous donne un exemple précis : celui d'une entreprise de la région lyonnaise candidate à un marché pour la RATP pour un produit à la conception duquel elle avait participé. Cette société n'a même pas eu de réponse à l'envoi de son dossier. Lorsque j'ai interrogé la RATP, cette dernière m'a fait par de son incompréhension de voir que l'entreprise n'avait pas répondu à l'appel d'offre. En fait, cette entreprise était de petite taille mais elle était prête à agrandir son usine et elle avait le soutien de la mairie et de la BPI pour le faire. Le marché représentait un pourcentage trop important de son chiffre d'affaires pour qu'elle puisse y répondre en direct. Elle avait donc demandé à une plus grosse entreprise de répondre pour elle. Cette dernière a répondu avec un jour de retard. Telle était donc la raison de son élimination… Cet exemple doit nous pousser, je crois, à réfléchir également à cette question du ratio : si cette entreprise avait pu être directement candidate, elle aurait vraisemblablement eu le marché, aurait ainsi agrandi son usine avec l'aide de la BPI et de la collectivité territoriale et créé au final des emplois. Il me semblerait plus logique, plutôt que d'avoir recours à la notion de ratio, qui contraint dans certains cas à cet adossement, de justifier que l'on a la capacité de répondre à l'appel d'offres.

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