Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 19 septembre 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Marwan Lahoud, président d'EADS France :

D'abord un changement d'état d'esprit. Nous ne pouvons pas à la fois coopérer et passer notre temps à nous comparer. Dans nos coopérations européennes bilatérales ou multilatérales, nous n'avons de cesse d'affirmer que nous coopérons tout en comparant nos performances avec nos partenaires : sommes-nous meilleurs que les Allemands, que les Britanniques ? De leur côté, nos partenaires font la même chose. Dès que l'on parle d'exportation, une surenchère s'établit à l'intérieur du groupe d'entreprises amenées à coopérer.

Pour provoquer un changement d'état d'esprit, on a déjà permis des évolutions – les licences globales, par exemple – pour faciliter le transfert d'équipements sensibles entre les pays participant à tel ou tel programme. Il n'empêche que nous continuons de comptabiliser les valeurs ajoutées nationales pour le calcul de la balance commerciale. Il faut arriver à sortir de ce raisonnement.

Je prendrai un exemple dans l'aéronautique : un avion Airbus, on le sait, est fabriqué par morceaux dans quatre pays européens, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne. Plutôt que de comptabiliser l'avion comme une exportation d'un des pays en fonction de l'endroit d'où il sort, c'est-à-dire l'endroit où se trouve la chaîne d'assemblage, il faudrait arriver à comptabiliser les proportions. Cette disposition ne nécessite qu'un changement logiciel dans le calcul de la balance commerciale. Mais elle permettrait de changer complètement l'état d'esprit car aujourd'hui, selon que la chaîne d'assemblage est à Toulouse ou à Hambourg, le décompte est tout différent.

Le mode de calcul actuel, j'y insiste, n'est absolument pas représentatif de la réalité : si l'on ne vend que la part française ou que la part allemande d'un Airbus, il ne vole pas ! Un ancien ambassadeur britannique à Paris l'illustrait par une boutade : les ailes des Airbus sont fabriquées au Royaume-Uni, donc sans le Royaume-Uni un Airbus n'est qu'un bus !

Le jour où nous accepterons le fait que nous sommes vraiment interdépendants et où nous cesserons de nous comparer, nous aurons vraiment progressé. Nous essayons de promouvoir des idées en ce sens dans la perspective du Conseil européen de décembre.

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