Lorsqu'une clause de revoyure est prévue, la tentation est grande de se l'approprier comme si elle était faite juste pour soi ! Il est formidable de voir cela dans un projet de loi de programmation militaire : c'est admettre et reconnaître les aléas d'exécution et prendre les dispositions pour les éviter. Le travail quotidien de l'industriel que je suis est de faire des plans. Or, un plan sans clause de revoyure est risqué. De ce point de vue, l'industrie dans son ensemble se réjouit que l'on puisse examiner l'exécution et prévoir, si l'on constate des déviations, des moyens de rattraper les choses. Les forces armées en seront bénéficiaires, mais aussi l'industrie, qui pourra ajuster ses trajectoires en fonction de l'exécution et des éventuelles ressources supplémentaires – car nous sommes bien conscients que tout dépendra de la situation économique du pays.
J'en viens à la question concernant la confiance et la défiance. Même s'il est représenté dans telle ou telle commission, le monde de l'industrie est très frustré d'être tenu à l'écart des analyses à chaque exercice de programmation ou d'élaboration d'un livre blanc, sous le prétexte qu'un industriel ne peut que plaider pour sa paroisse. C'est nous réduire à un rôle que nous essayons de dépasser. Nous ne sommes pas des marchands de tapis : nous avons conscience d'appartenir à une industrie qui contribue à la posture de défense ; si nous ne produisions que des avions de transport, que des avions de combats, ou que des satellites d'observation, le dispositif serait incomplet. Or ce qui compte, c'est la cohérence du dispositif.
Cela étant, nous arrivons toujours à faire entendre notre voix. Plus important est le travail quotidien entre les équipes de programme de la DGA et de l'état-major et nos propres équipes de programme, qui devrait pouvoir se faire en équipe intégrée. Charles Edelstenne rappelait à Pau que c'est ainsi que l'on a développé le Mirage IV. Dans cette approche, les trois parties sont proches et travaillent dans le même sens.
Je souhaite également un rapprochement entre l'industrie, qui est au bout de la chaîne, et l'utilisateur. Je serai précis sur ce point : les officiers qui, à l'état-major des armées, s'occupent des programmes d'armement, ne sont pas les utilisateurs ; ils l'ont été lorsqu'ils étaient en opérations mais ils ne le sont plus. Le retour d'expérience tel qu'il est aujourd'hui organisé doit être raccourci.