S'agissant de l'A400M, nous en sommes à la phase initiale du contrat, si bien qu'il n'y a pas d'impact dynamique. Chiffrer le nombre d'emplois que représente, à plein régime, la production de 35 appareils ou la production de 15 est compliqué. Il s'agit d'emplois répartis dans toute l'Europe. Cela dit, la répartition d'activité – le workshare – du programme a été construite sur la base de la cible des 50 appareils pour la France. En d'autres termes, la part de travail qui revient à la France correspond à 50178e de la part totale de travail que représente le programme A400M. Dès lors que l'on ne change pas la cible, on ne change pas cette part de travail. En revanche, un changement de cible se traduirait par une diminution de la part de travail en France – pour peu que ce soit industriellement possible.
Mais là n'est pas le véritable risque : le risque, c'est que, si la France abaisse sa cible, tous les autres pays s'engouffrent dans la brèche et abaissent aussi la leur. Dès lors, le programme ne serait plus économiquement viable et l'export ne suffirait pas à le sauver.
J'en viens à la question sur la confiance et la défiance. La dénonciation d'un « complexe militaro-industriel » a suscité chez nos interlocuteurs un certain sentiment de culpabilité. Ils ont donc tout fait pour écarter ce soupçon. Par ailleurs, d'importantes dispositions ont été mises en place en matière de concurrence et de mise en compétition. Je n'en conteste pas le principe, bien entendu, mais leur application rigide conduit à des incohérences.
Certaines ont été néanmoins corrigées. Dans les compétitions résultant de l'application stricte du code des marchés publics, par exemple, il fut un temps où je demandais à mes équipes de R&T de répondre dans les domaines où elles n'étaient pas compétentes, puisque leur offre serait moins chère et qu'elles gagneraient de la compétence dans d'autres domaines. Cet effet pervers a perduré jusqu'à ce qu'un décret d'application du code des marchés publics dans le domaine de la défense prévoit des dispositions spécifiques à la R&T.
La concurrence est un principe sain. Il faut néanmoins exercer son jugement et éviter de tomber dans le « complexe du complexe militaro-industriel ».