Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 7 octobre 2013 à 16h00
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Aujourd’hui, l’allongement de la durée de vie doit être une chance de mieux vivre et non pas seulement d’aménager le système de retraites. C’est pourquoi il convient de mettre en oeuvre une réforme répondant aux nouvelles attentes de la société et réellement à même de protéger notre système par répartition.

Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la réforme des retraites doit être incluse dans une politique de protection et de cohésion sociales tout au long de la vie. Cette réforme ne peut être dissociable d’une réflexion sur l’entrée des jeunes dans la vie active, tout en considérant que leur vie est devenue plus longue que celle de leurs aînés. Elle n’est pas non plus dissociable d’une approche des risques encourus tout au long de la vie pouvant notamment conduire à des états de santé très différenciés en fin de vie et à des carrières heurtées. Par conséquent, il est indispensable de faire émerger une nouvelle politique des temps – sociaux comme professionnels – assurant cohérence sociale et liberté de choix, ce qui implique des choix de temps collectifs et individuels.

Pour notre groupe, la priorité est de lutter contre le chômage, puisque c’est la première clé du redressement de toute politique sociale. Ce chômage chronique, qui concerne autant les jeunes que nos seniors, doit être combattu en priorité pour remettre dans la boucle du travail des cotisants en puissance.

Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites présenté aujourd’hui engage une réforme qui permettra un financement de la sécurité sociale qui pèsera moins sur le coût du travail, et donc de l’emploi. En outre, il prévoit des économies sur les coûts de gestion des régimes, dès 2016, à hauteur de 200 millions d’euros.

L’espérance de vie recalculée a également été prise en compte. En effet, le Gouvernement s’est fondé sur le fait que l’espérance de vie après 60 ans continuera à augmenter, pour atteindre un peu plus de 25 ans pour les hommes et 30 ans pour les femmes en 2040. Par conséquent, la durée d’assurance pour une retraite à taux plein à partir de 2020 devra augmenter d’un trimestre par an, et passera dès lors à 43 ans en 2035.

Toutefois, s’agissant de la pérennité du financement des retraites, je tiens à rappeler que l’inversion de la pyramide des âges risque de faire contribuer les jeunes générations actuelles plus fortement dans le futur. Les jeunes actifs d’aujourd’hui connaissent des problèmes liés à l’activité et au chômage qui nous semblent plus forts qu’auparavant ; ils devront participer davantage au financement du système, via le principe de solidarité intergénérationnelle.

Aujourd’hui, les jeunes générations sont plus fortement qu’auparavant soumises à plusieurs changements de carrière tout au long de leur vie d’actifs. Il nous faudra donc trouver une solution qui permettra d’éviter un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte.

On parle sans cesse de l’allongement de l’espérance de vie, mais nous oublions que les définitions de la jeunesse ont évolué. Il est important de prendre en compte l’allongement de l’espérance de vie, mais également l’allongement de la période de vie qui caractérise cette même jeunesse. En effet, si l’on admet communément que la catégorie des jeunes s’arrête à 25 ans, force est de constater que la précarité de la génération oubliée des 25-35 ans continue de créer des fragilités importantes dans les parcours professionnels. Le rachat du temps de la formation ou de périodes de stages ne peut qu’aller dans le bon sens ; je note toutefois que les étudiants ayant mené de longues études seront désavantagés, puisque des étudiants ayant un niveau bac+2 pourront racheter la moitié de leurs études, alors qu’un étudiant de niveau bac+8 ne pourra en racheter qu’un huitième.

Concernant nos seniors, une véritable politique d’accompagnement des personnes âgées devra compléter cette réforme des retraites. Cela passera par la couverture du cinquième risque, mais aussi par des mesures d’accompagnement en nature : aides à l’aménagement du domicile pour l’adapter aux besoins des personnes âgées dépendantes, aides renforcées à la mobilité, aides à l’accès aux activités de communication, culturelles et de loisir. Cette politique d’accompagnement devrait être élaborée et mise en place par l’État et les collectivités territoriales déjà actives dans ces domaines.

N’oublions pas les femmes. A cet égard, le projet de loi assure une meilleure prise en compte des trimestres d’interruption au titre du congé de maternité, qui seront réputés cotisés.

Venant d’un département rural, permettez-moi, madame la ministre, d’insister sur un sujet qui me tient à coeur, celui des retraites agricoles.

Les agriculteurs sont les parents pauvres du système des retraites actuel ; ils pâtissent de très faibles pensions, même lorsqu’ils ont cotisé tout au long de leur carrière. La moyenne nationale s’établissait, fin 2011, à près de 800 euros pour les hommes et à seulement 550 euros pour les femmes. Beaucoup se trouvent, de fait, placés sous le seuil de pauvreté. Aussi, si les promesses de campagne du Président de la République visant à revaloriser les plus faibles retraites agricoles figurent bien dans votre projet de réforme, on peut en revanche s’interroger sur la pertinence des conditions de financement choisies. En effet, doit-on faire supporter ce financement uniquement par les actifs agricoles d’aujourd’hui par une hausse des charges sociales, c’est-à-dire demander aux seuls agriculteurs en activité de compenser le manque de revenus des anciens actifs, ceux-là même qui n’ont pas pu se constituer une retraite décente ?

Par ailleurs, comme l’a indiqué le Premier ministre fin août, « les conjoints collaborateurs n’ont bénéficié, à la différence des chefs d’exploitation, d’aucun point gratuit, ni de la possibilité de racheter des années antérieures ». Le Premier ministre a donc annoncé que 66 points gratuits seront attribués, au titre des affiliations dans la limite de dix-sept années, aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux justifiant de trente-deux années et demie dans le régime des non-salariés agricoles, y compris pour les retraités actuels.

C’est une avancée mais, je crains, madame la ministre, que cela ne suffise pas à leur assurer un niveau de vie décent.

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