Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 7 octobre 2013 à 16h00
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’article 5 du projet de loi, consacré à la pénibilité.

Je veux d’abord répéter – et ce ne sera pas la dernière fois – que c’est bien grâce au côté droit de l’hémicycle que la notion de pénibilité est entrée dans le droit – Xavier Bertrand y a largement contribué. Les décrets de 2010 et de 2011 sont venus confirmer sa place. C’est donc avec surprise que j’entends la majorité d’aujourd’hui affirmer que c’est un sujet dont nous ne nous sommes pas préoccupés.

Il est vrai que la notion de « traces irréversibles sur la santé du travailleur » qui figure dans l’article du code du travail relatif à la pénibilité issu de la réforme de 2010 méritait d’être précisée. Les débats qui ont présidé au vote de cette réforme laissaient la porte ouverte à la réduction de cette notion à l’incapacité ou à l’invalidité – ce que vous aviez critiqué de manière qui n’est pas totalement infondée –, d’où une confusion possible avec les maladies professionnelles. Bref, cette formulation donnait lieu à de très larges interprétations, qui n’étaient pas totalement conformes à la notion de pénibilité telle que les partenaires sociaux l’avaient définie ensemble. Rappelons ici que le seul point d’accord dans la négociation interprofessionnelle à l’époque était précisément la définition de la pénibilité fondée sur une référence à l’espérance de vie. À l’évidence, la rédaction actuelle du code du travail ne permet pas d’axer cette notion sur l’espérance de vie. Les précisions introduites en ce sens, madame la ministre, sont donc plutôt bienvenues.

Les travaux menés dans le cadre de la négociation interprofessionnelle et de la commission des affaires sociales de notre assemblée avaient fait apparaître certaines difficultés qui avaient fait reculer d’abord la négociation interprofessionnelle puis sans doute le Gouvernement, et notre collègue Éric Woerth alors ministre.

Il apparaissait clairement que l’individualisation d’un système sans référence médicale particulière poserait problème et qu’il était extrêmement compliqué de mettre en place un système équivalent au carnet de santé. Certaines organisations syndicales s’étaient élevées contre la possibilité de tracer de manière abusive le profil personnel de santé des salariés car cela pouvait aussi leur nuire en pesant sur leur capacité à être recruté ultérieurement.

Il apparaissait clairement aussi qu’il y avait un risque, souligné par certaines organisations syndicales, à concentrer les efforts sur la compensation de la pénibilité – sous forme de formation professionnelle, de départ anticipé, de reconversion –, au détriment des mesures de prévention en matière de conditions de travail et du rôle à accorder aux instances représentatives du personnel. Votre projet de loi, madame la ministre, ne passe pas à l’écart de ces écueils. Certes, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont sollicités – le rapport lui-même a apporté une contribution à ce sujet –, mais ces instances, dans leur configuration actuelle, ne permettent pas de prendre en compte ces facteurs de pénibilité avec toute la compétence et la mesure nécessaires.

Par ailleurs, votre projet de loi, madame la ministre, a des impacts dangereux sur l’emploi.

Premièrement, la gestion des fiches professionnelles avec les comptes par points est d’une complexité administrative sans doute insurmontable pour certaines entreprises – en particulier les petites. Beaucoup d’entre elles n’envisagent pas de les traiter sans un accroissement sensible de leurs effectifs et donc de la charge de travail supportée par l’organisation administrative.

Deuxièmement, ce texte aura également un impact négatif sur l’emploi en France parce que le seul moyen qu’auront de nombreuses entreprises pour échapper à cette contrainte sera de recourir à des sociétés de sous-traitance étrangère, dont les salariés, à l’évidence, ne seront pas soumis au même régime.

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