Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, quoi qu’on pense ou quoi qu’on dise, le système de retraites par répartition est perçu comme une institution inviolable par la quasi-totalité des travailleurs – du moins par ceux qui gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front.
Des mesures correctives peuvent être opérées sur des piliers qui se lézardent. Pour autant, la base d’appui ne saurait être démantelée.
Faire référence au système de répartition ne suffit pas pour le protéger des attaques incessantes dont il est l’objet.
La répartition sous-tend deux éléments indissociables : la solidarité et la justice. Rogner la solidarité, ronger la justice, revient à les remettre en cause. J’en veux pour pour preuve que toutes les réformes précédentes, réalisées dans l’urgence et à intervalles de plus en plus rapprochés, ont porté atteinte au couple solidarité-justice.
L’argument avancé est le déficit de tous les régimes de retraite. Il a été évalué, paraît-il, à 15 milliards d’euros en année pleine et atteindrait 20 à 22 milliards d’euros en 2020, selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites. Louables sont les efforts entrepris pour l’enrayer ! Mais là où le bât ne cesse de blesser, c’est qu’à chaque fois, l’effort sollicité n’est ni équitablement ni solidairement réparti.
Pour ceux qui triment, la répartition est la bouée de sauvetage qui empêche le naufrage précipité.
Solidarité et compétitivité seraient-elles devenues incompatibles au point de sacrifier la première au poteau d’exécution de la seconde ?
Le glissement est amorcé de réforme en réforme, amplifiant ainsi les inquiétudes. Et en matière d’inquiétudes, la Martinique n’est pas en reste. Jugez-en par vous-mêmes : le chômage ne cesse de grimper, touchant 53 000 personnes, toutes catégories confondues. Rapporté à la population totale de la Martinique, arrondie à 400 000, le taux de chômage s’établit à 13,25 %.
En France, ce taux représenterait plus de 8 600 000 chômeurs. Ce serait la super-cata !
La population française continue de croître ; celle de la Martinique, loin de se stabiliser, décroît. De plus, le vieillissement se poursuit de façon accélérée et n’est pas prêt de s’arrêter.
Dans le même « balan », les jeunes, en masse, quittent le pays pour s’installer ailleurs : 43 % des bacheliers poursuivent leurs études sans esprit de retour, tant les conditions d’embauche sur place sont pour eux un véritable parcours du combattant.
Concernant la retraite des marins-pêcheurs, bon nombre d’entre-eux ne perçoivent que 200 à 300 euros par mois. Ils n’ont pas cotisé durant la plus grande partie de leur vie professionnelle, ou l’ont fait selon une faculté ouverte, on ne comprend pas comment, en outre-mer à l’époque : au « demi-rôle ». Qui dit demi-rôle, dit demi-pension, dit demi-retraite.
La retraite des agriculteurs, elle, ne dépasse pas les 360 euros par mois. Cela tient au type de culture et à la surface moyenne des exploitations : moins de 5 hectares en Martinique contre 80 hectares en France.
Que dire de la retraite complémentaire des salariés agricoles ? Ces derniers sont exclus du champ d’application de l’accord national interprofessionnel de retraite de 1961 et de la loi du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés. Malgré leurs demandes récurrentes, ils ne bénéficient toujours pas d’une affiliation à la Mutuelle sociale agricole.
S’agissant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui succède au minimum vieillesse depuis le 1er janvier 2007, cette prestation est versée sous condition de ressources et est destinée à garantir aux personnes âgées de plus de 65 ans un niveau de ressources minimal. De nombreuses personnes font le choix, en raison du risque de recours sur succession, de renoncer au bénéfice de cette allocation pour ne pas mettre leurs héritiers en difficulté.
Que dire du versement des pensions au premier jour de chaque mois ? Lors de la réforme des retraites en 2010, un amendement allant dans ce sens a été adopté à l’unanimité et est devenu l’article 13 de la loi no 2010-1330 du 9 novembre 2010.
Cette décision est restée sans suite. Les retraités doivent toujours faire face aux difficultés provoquées par le décalage entre le versement tardif de leur retraite et les factures qu’ils doivent acquitter dès les premiers jours du mois.
En conclusion, madame la ministre, reconnaissez que certaines décisions ont été différées, provoquant ainsi des difficultés supplémentaires. Il est plus que temps de les régler en adoptant nos amendements si, comme le précise le projet de loi, le Gouvernement tient à garantir l’avenir et la justice du système de retraites.