Intervention de Mickael Wamen

Réunion du 10 septembre 2013 à 18h30
Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Mickael Wamen, représentant de la CGT du comité d'entreprise de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord :

Le harcèlement que les salariés vivent au quotidien est un vrai problème de santé au travail. Chacun sait en effet que stress est un facteur déclenchant de cancers notamment. Le harcèlement n'est pas apparu en 2007 chez Goodyear : il s'est accéléré en 2007. Systématiquement, lorsqu'on s'opposait à elle, la direction déclenchait une armada complète d'outils visant à faire plier les salariés.

La direction ne supporte pas que la justice française l'oblige, sous peine d'invalidation de son plan social, à fournir aux représentants du personnel les justificatifs nécessaires. Goodyear a donc harcelé les salariés afin de les pousser à partir pour éviter de mettre en danger leur intégrité physique et mentale. Ce n'est pas la CGT qui le prétend : pour l'affirmer, je m'appuie sur de nombreux courriers de l'inspection du travail, des jugements répétés ou des plaintes déposées auprès du procureur.

Oui, Goodyear a été condamné sur la question des HAP-CMR, à la suite notamment de plusieurs procès-verbaux de l'inspection du travail lui demandant de se conformer à ses obligations légales – l'entreprise n'applique toujours pas le décret européen de 2001. Les employeurs des entreprises utilisant des CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) sont dans l'obligation de fournir aux salariés des casiers séparés afin d'éviter que leurs vêtements de ville ne soient souillés au contact des vêtements de travail. Or, depuis 2001, Goodyear ne s'est toujours pas mis en règle, en dépit d'une condamnation à titre personnel du directeur de production de l'époque – M. Dumortier – et de M. Rousseau, l'entreprise ayant été condamnée à verser deux fois 20 000 euros de dommages et intérêts qui n'ont toujours pas été versés : cela illustre le mépris de Goodyear pour la problématique de la santé au travail de ses salariés. L'entreprise les expose volontairement puisqu'elle dispose de juristes en nombre suffisant pour connaître ses obligations légales et qu'elle a les moyens de protéger ses salariés. Les industriels du caoutchouc ont été prévenus dès 1988 des risques professionnels présentés par les produits utilisés. Les amines aromatiques sont même classées en R32 pour la toxicité de leurs vapeurs, lesquelles provoquent des cancers de la vessie ou de la prostate. Une étude épidémiologique, pour la réalisation de laquelle nous nous sommes battus, révèle que les salariés d'Amiens-Nord développent, en nombre, différents types de pathologies en fonction des secteurs où ils travaillaient. Ceux qui travaillent à l'incorporation des matières premières développent des cancers des voies respiratoires et ceux qui travaillent en fin de cycle à la vulcanisation, c'est-à-dire à la cuisson des produits, sont atteints de cancers de la prostate, des testicules ou de la vessie. La problématique du caoutchouc est identique à celle de l'amiante : durant trente ou quarante ans, tout le monde a fermé les yeux !

De plus si, demain, Goodyear ferme ses activités « tourisme » et cède ses activités agricoles à Titan, qui fermera à son tour au bout de deux ans, qui paiera la dépollution du site industriel d'Amiens-Nord ? Les grands groupes qui ferment sans avoir auparavant procédé à la dépollution des sites sont nombreux. Le groupe Titan a cédé ses parts dans l'usine de Flers – elles représentent 70 % –, tout en annonçant qu'il rapatrie aux États-Unis sa structure européenne ; quant à ses activités en France, elles ne disposeront pas de fonds de roulement propre puisque Titan a créé une société par actions simplifiée (SAS). La façon dont Goodyear a traité à la fois les salariés et l'environnement sur le site de Valleyfield au Canada est édifiante. Ce site est devenu aujourd'hui une friche industrielle totalement polluée. Qui paiera la dépollution des nappes phréatiques ? La collectivité ? Vous demanderez à la direction de Goodyear combien elle a provisionné dans son bilan pour la dépollution du site industriel d'Amiens-Nord.

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