Je tiens à rappeler que la baisse du prix des matières premières profite à tous les producteurs de pneus, dont les quatre plus importants – Michelin, Goodyear, Continental et Bridgestone – se fournissent auprès de la même centrale d'achat. Or l'évolution de leurs résultats nets ne suit pas la même courbe. La baisse du coût des matières première n'a donc pas d'effet mécanique : les bons chiffres propres à Goodyear ont pour origine le transfert de ses activités dans des pays sans droit social, où le coût de la main-d'oeuvre est très inférieur à ce qu'il est en France.
Quant à la rémunération de M. Richard Kramer, le PDG de Goodyear, elle a en effet plus que doublé dans une période où le groupe était réputé connaître des difficultés. Ce n'est pas un cas unique dans le monde de la finance. La rémunération des salariés d'Amiens-Nord, elle, n'a pas doublé. Leur travail a été divisé par sept ou huit, sans perte de rémunération non plus. Si la logique financière du groupe avait été respectée, la rémunération des salariés d'Amiens-Nord aurait dû être proportionnelle à la production de pneus sur le site. Mais cela, Goodyear ne peut pas le faire. Or, même avec cette politique incohérente, Goodyear arrive à annoncer 1,6 milliard de dollars de bénéfices pour la fin de l'année.
Monsieur le président, s'agissant des dividendes, le monde de la finance arrive à dissimuler par tous les moyens les rémunérations des patrons. Il n'y a pas que les dividendes pour récompenser les responsables qui font bien leur travail. Il y a aussi les stocks options ou le doublement des rémunérations.
Il ne faut pas oublier non plus les avantages en nature. Durant des années, le directeur du site d'Amiens, qui gagnait 25 000 euros par mois, disposait en plus d'une voiture avec chauffeur et d'un logement de fonction, ainsi que d'une carte bleue au nom de Goodyear. Et sa femme recevait des fleurs tous les matins. Son salaire, c'était son argent de poche.
On ne mesure pas la bonne santé d'une entreprise aux dividendes versés aux actionnaires. Un grand nombre d'entreprises qui versaient des dividendes à leurs actionnaires ont mis la clé sous la porte. La santé d'une entreprise se mesure aux résultats nets après impôt. Goodyear aura, en 2013, les meilleurs résultats depuis sa création, il y a cent ans. Je n'ai pas eu connaissance de versement de dividendes, mais si j'étais à la place de M. Kramer, je n'aurais pas besoin de dividendes.
Nous avons de nouveau saisi la justice pour demander un administrateur provisoire : en effet, si un groupe qui va aussi bien que Goodyear n'arrive pas à résoudre la crise du site d'Amiens-Nord, c'est qu'il y a un problème de compétence des dirigeants.
Les dirigeants d'Amiens-Nord ont leur propre entreprise : des cabinets de reclassement. Ils ne sont même pas salariés de Goodyear : ils ont de simples lettres de mission leur enjoignant de fermer le site. Comment dialoguer en réunion de comité d'entreprise ou de délégués du personnel avec des responsables qui ne sont pas salariés de Goodyear et qui ne peuvent prendre aucune décision ? Aujourd'hui, pour toute dépense supérieure à 1 500 euros, Amiens-Nord doit demander l'autorisation à Akron, dans l'Ohio. Il doit passer par le même groupe pour recruter des intérimaires et, pour commander du matériel, il doit s'adresser à SAP Ariba, qui ne déclenche les commandes qu'à partir d'un certain volume pour obtenir les meilleurs prix. Quel dialogue social avoir avec des dirigeants qui ne dirigent rien ? Il n'y a en France que des exécutants. Le pouvoir de décider de l'avenir du site a été transféré à Akron en même temps que le pouvoir financier.