Depuis l'accident d'AZF, le rôle des représentants du personnel au CHSCT a sensiblement évolué et le statut juridique de ses membres a été modifié : ils sont non plus seulement acteurs, mais également décideurs de la situation des salariés.
Le CHSCT d'Amiens-Nord est très actif. Je donnerai un exemple. Un vendredi soir, un salarié m'informe que le portillon de sécurité qui permet de verrouiller le rotor du bamburi ne fonctionne plus. Or, si vous passez à travers le rotor, vous êtes broyé. Je rencontre aussitôt le responsable du centre qui m'assure faire le nécessaire. Je reviens le samedi matin pour vérifier que les mesures ont été prises. Or le portillon de sécurité n'a toujours pas été remplacé. Je décide alors, conformément au code du travail, de recourir à la procédure de danger grave et imminent : celle-ci me permet de garantir l'intégrité physique du salarié qui exerce alors son droit de retrait. Si bien que la réparation, qui n'avait pas pu être faite la veille au soir, a été effectuée dans la minute même ! C'est un exemple parmi d'autres. Vous devriez vous procurer le registre des dangers graves et imminents de l'usine d'Amiens-Nord et demander à l'inspection du travail de vous fournir les rappels à l'ordre sur les conditions de travail et de sécurité à la suite de mises en demeure effectuées par les membres du CHSCT.
Celui-ci fait également de la prévention des risques psycho-sociaux (RPS). Sans le CHSCT d'Amiens-Nord, le cabinet SECAFI n'aurait pas fait son enquête. Il n'y aurait eu ni expertise ni mise en place d'une cellule de soutien psychologique, laquelle, d'ailleurs, au sein d'un grand groupe comme Goodyear, joue le rôle du pompier pyromane, le soutien psychologique permettant surtout à la direction de se donner bonne conscience tout en continuant à détruire. C'est de la poudre aux yeux. Si Goodyear abandonnait son projet de fermeture, on n'aurait plus besoin d'une cellule de soutien psychologique sur le site d'Amiens-Nord.
Les procès-verbaux des réunions du CHSCT révèlent la pugnacité avec laquelle nous contraignons Goodyear à respecter ses obligations légales. Mais comme le président du CHSCT est généralement le directeur de l'établissement, les grands groupes embauchent un responsable de la sécurité, auquel la direction ne donne pas les moyens d'effectuer sa mission mais qui sert de fusible en cas d'accident : c'est lui qu'elle envoie devant le juge.
De plus, alors que la loi fait obligation à Goodyear de nous remettre chaque année un rapport annuel sur le bilan de l'année écoulée et les prévisions de l'exercice à venir, cela fait six ans que nous ne réussissons pas à l'obtenir. Goodyear ne remplit pas ses obligations.
Il est vrai que le ticket de production journalier n'est jamais réalisé et nous sommes les premiers à nous en plaindre. Comment pourrait-il l'être puisque, depuis la restructuration de l'usine, la production des pneus est devenue impossible ? Voici deux raisons parmi d'autres : absence de formation aux nouveaux équipements, arrêt des machines en raison du non-remplacement de l'opérateur placé en arrêt-maladie. Chaque mois, la direction nous donne la liste des événements n'ayant pas permis d'atteindre le niveau de production. Elle reconnaît elle-même que les salariés ne sont occupés qu'entre 25 % à 30 % de leur temps. Je vous donne encore un exemple : quand, tous les trois mois, la direction est légalement obligée de réunir le personnel pendant une heure pour qu'il exerce son droit d'expression, les machines ne sont pas mises en route alors qu'il reste encore plusieurs heures de travail. C'est de la désorganisation volontaire.