Intervention de Charles-Antoine Louët

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l'industrie nucléaire à la direction générale de l'énergie et du climat, DGEC :

Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant vous, au nom de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie.

La DGEC est chargée de la mise en oeuvre de la politique française concernant les matières et les déchets radioactifs. Cette politique vise à assurer leur gestion durable dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sûreté et de l'environnement. Elle repose sur trois piliers : l'établissement d'un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) ; la mise en place d'un établissement public, l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA), qui est chargée de la mise en oeuvre des solutions de gestion ; enfin, la sécurisation du financement du démantèlement des installations nucléaires et de gestion des déchets radioactifs.

La France a été l'un des premiers pays à prendre conscience de la nécessité de mettre en place une politique responsable et volontariste de gestion de ses déchets radioactifs. Avec la « loi Bataille » de 1991, le Parlement a inscrit la politique française dans une perspective de recherche de solutions pérennes et sûres pour ces déchets. Dans le prolongement du cadre défini par cette loi de 1991, le Parlement a voté le 28 juin 2006 une nouvelle loi qui définit notre cadre national pour la gestion des déchets radioactifs. Elle place au coeur des priorités la protection de la santé des personnes et de l'environnement, la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs, la prévention ou la limitation des charges supportées par les générations futures, et le principe « pollueur payeur ».

La loi crée un outil de pilotage triennal, ce PNGMDR dont je viens de parler, afin d'assurer le suivi et la mise en oeuvre des objectifs et des principes définis au niveau législatif. Le PNGMDR a vocation à couvrir de la façon la plus complète possible la gestion des matières et des déchets radioactifs, et à garantir que ces substances seront gérées dans le respect des conditions de sûreté les plus élevées. Il constitue un élément essentiel de transparence puisqu'il est élaboré au sein d'un groupe de travail pluraliste, coprésidé par l'ASN et la DGEC et associant l'ensemble des parties prenantes.

Le Gouvernement a transmis le PNGMDR pour la période 2013-2015 au Parlement à la fin de 2012. Les principales recommandations de ce plan sont les suivantes : développer de nouveaux modes de gestion à long terme pour les déchets radioactifs ; améliorer les modes de gestion existants, en particulier par la mise en place d'outils de suivi permettant de suivre les capacités volumiques et radiologiques des centres de stockage ; prendre en compte les évènements qui sont survenus au cours de la période précédente, en établissant un retour d'expérience – par exemple, l'arrêt pendant plusieurs mois de la filière d'incinération de Centraco.

La France porte cette exigence d'une gestion responsable au-delà de ses frontières. Elle a ainsi activement contribué à l'élaboration de la directive européenne établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. Cette directive, adoptée le 19 juillet 2011, réaffirme la responsabilité de chaque État dans la gestion de ses déchets radioactifs. Elle demande la mise en place d'un programme national pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs – tel que cela été déjà réalisé en France, avec l'élaboration du PNGMDR – ainsi que celle d'un inventaire national.

Nous avons lu avec le plus grand intérêt le rapport d'information des députés Julien Aubert et Christophe Bouillon, qui est un remarquable travail de synthèse et de clarification sur un sujet complexe.

Après ce tour d'horizon, je voudrais revenir sur trois points soulevés dans ce rapport.

Premièrement, le rapport souligne l'importance de l'indépendance de l'ANDRA, à laquelle le Gouvernement est également très attaché. Je voudrais ajouter qu'assurer cette indépendance et garantir en même temps l'efficacité de l'Agence emporte au moins deux conséquences. D'abord, que l'ANDRA soit évaluée : c'est le rôle de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), s'agissant de la sûreté, mais aussi celui de la Commission nationale d'évaluation des recherches, s'agissant des recherches essentielles effectuées par l'ANDRA à l'appui des projets qu'elle développe. Je précise que l'ANDRA a également subi cette année un audit de l'ARS et que la DGEC a organisé plusieurs revues de la conduite du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Il faut également qu'une coordination suffisante existe entre l'ANDRA et les producteurs de déchets afin, par exemple, que les filières de gestion s'articulent de façon optimale avec les flux de production de déchets. La DGEC s'assure de cette coordination industrielle au titre de l'article R.542-73 du code de l'environnement instituant un Comité de coordination industriel pour les déchets radioactifs. Ce comité assure également le suivi des financements mis en oeuvre pour la construction, l'exploitation et la surveillance des centres de stockage.

Le deuxième point de ce rapport que je voudrais relever concerne les déchets les plus radioactifs. Le rapport de MM. Aubert et Bouillon propose de créer une zone d'intérêt national (ZIN), afin de marquer la reconnaissance de la Nation vis-à-vis des territoires accueillant le projet Cigéo – s'il est autorisé. Ce projet représente un enjeu majeur pour la Nation. Son insertion harmonieuse et sa contribution positive à la réussite des territoires concernés revêtent donc une importance toute particulière. Le Gouvernement est soucieux de garantir que le projet sera porteur de développement économique pour les territoires qui l'accueillent. Il lui tient à coeur que l'industrie nucléaire poursuive et intensifie l'accompagnement économique autour d'une opération industrielle essentielle et structurante. L'ensemble de ces questions sont discutées avec les territoires dans un comité de haut niveau, qui se réunit annuellement sous la présidence du ministre chargé de l'énergie. Il examinera prochainement les outils de gouvernance appropriés pour assurer le développement des territoires concernés. La création d'une zone d'intérêt national fait bien sûr partie des choix possibles.

Le troisième et dernier point que je voulais relever concerne la gestion des déchets les moins radioactifs. Le rapport propose que soit engagée une « réflexion prudente » sur l'introduction d'un seuil de libération en France, et sur une possible réutilisation, au sein de la filière nucléaire, de matières pour lesquelles la démonstration a été apportée qu'elles ne sont pas plus radioactives que la matière issue de filières conventionnelles.

En France, la réglementation ne prévoit pas de libération des déchets de très faible activité (TFA). Cette approche permet de garantir que l'industrie nucléaire nationale ne peut être à l'origine d'une contamination venant d'un matériel qui en est issu, en garantissant la traçabilité des déchets produits. Pour des raisons tant techniques que politiques, le Gouvernement est convaincu qu'il faut maintenir cette traçabilité, quels que soient les choix à venir. Cette question est régulièrement abordée lors des travaux du groupe de travail PNGMDR, qui montrent qu'il est très difficile de trouver, au sein de la filière nucléaire, des filières de recyclage de déchets TFA qui présentent un intérêt économique. Le PNGMDR demande par ailleurs la poursuite des études relatives à la mise en oeuvre de ces filières de valorisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion