Monsieur le président, je voudrais également vous remercier pour l'organisation de cette table-ronde, qui permet en même temps d'éclairer le rapport que nous avons déposé avec mon collègue Christophe Bouillon. Ce rapport fut l'occasion de débats et d'une coopération nourrie avec l'ANDRA et l'ASN, et avec un très grand nombre d'associations. Je tiens d'ailleurs à rassurer le représentant de Greenpeace : lors des auditions, les associations ont été écoutées.
Sur ce sujet, il y a, d'un côté, les faux problèmes et, de l'autre, le vrai problème.
Premièrement, la question des déchets et celle de la filière nucléaire sont deux questions disjointes. Même si on prenait toutes sortes de décisions sur l'avenir de la filière nucléaire en France, cela ne réglerait pas le problème du passé, et donc celui des déchets.
Deuxièmement, ce n'est pas parce que la France n'a pas de seuil de libération qu'on peut certifier à ses citoyens qu'il n'existe pas, dans la nature, des objets importés qui, à un moment donné ou à un autre, ont été utilisés dans des filières nucléaires étrangères. Plus généralement, ce n'est pas parce que vous décidez de « désinventer » le nucléaire que votre voisin le « désinvente » lui aussi.
Le vrai problème est un problème de responsabilité et de relation au temps : nous devons aujourd'hui imaginer une politique publique qui devra encore être sur pieds dans dix mille ou cent mille ans. La mission que nous avons conduite avec C. Bouillon nous a permis de constater que certains pays comme la Suède avaient une approche extrêmement pragmatique de la question. Ils considèrent que les déchets existent, qu'ils sont notre responsabilité puisqu'ils sont le fruit de nos choix et de ceux qui nous ont précédés et que, par conséquent, il serait irresponsable d'en laisser la gestion à nos successeurs en leur disant que c'est à eux de trouver le moyen de les traiter. Ces déchets doivent être effectivement traités. Ils sont de notre responsabilité, et c'est à notre génération d'en supporter le coût. Sur ce point, le consensus politique est assez large, de la droite à la gauche.
La quatrième génération de réacteurs pourrait modifier notre façon d'appréhender la question des déchets. Nous devons donc faire en sorte que les débats actuels sur la transition énergétique ne viennent pas compromettre, pour des raisons de coût, la possibilité, pour la France, de basculer dans cette quatrième génération.
De fait, dans les différentes interventions, la question du coût n'a pas été suffisamment mise en avant. Nous sommes plutôt favorables à la solution technique proposée, qui offre des garanties bien supérieures à ce que nous avons pu constater en Suède. Par exemple, nous y avons visité un centre de stockage profond, où l'eau dégoulinait des parois ! Nous avons par ailleurs constaté que les Suédois construisaient des centres de stockage près de la mer en considérant que, sur le très long terme, ces déchets ont vocation à revenir au fond des eaux. La France s'attache davantage à la sécurité des installations. Mais évidemment, la sécurité maximale a un coût. Nous devons donc prévoir une configuration optimale pour le site de Cigéo et éviter les dérapages.
Je terminerai sur une de nos recommandations : la zone d'intérêt national. À mon sens, celle-ci ne doit pas se résumer à des avantages fiscaux. Ceux qui acceptent Cigeo acceptent un héritage et un bien commun, au nom de la collectivité. Pourtant, nul n'a envie d'habiter avec un sous-sol dangereusement radioactif sous les pieds. L'intérêt d'une zone d'intérêt national est alors de pouvoir y investir parce que l'on a accepté d'y accueillir ces déchets nucléaires, ce qui est très lourd en termes d'image et implique un engagement pour des centaines et des milliers d'années.