Intervention de Charles-Antoine Louët

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Charles-Antoine Louët, sous-directeur de l'industrie nucléaire à la direction générale de l'énergie et du climat, DGEC :

J'évoquerai pour commencer deux thématiques : la ZIN, proposée par vos collègues dans leur rapport d'information, et la fiscalité.

Ces questions font l'objet d'un travail important, en lien avec les territoires, au sein du comité de haut niveau présidé par le ministre en charge de l'énergie. Celui-ci, dans un premier temps, a acté le principe de la mise en place d'une zone interdépartementale dans le but d'instaurer un mécanisme de redistribution de la fiscalité générée par le projet Cigéo au niveau des collectivités. La création de cette zone interdépartementale sera décidée dans le cadre de la loi de finances.

Ce dispositif pose naturellement des questions d'aménagement et de développement du territoire. Il ne s'agit pas d'imposer un schéma aux territoires, mais d'organiser la rencontre entre l'État et les territoires pour qu'ils déterminent ensemble quel est l'outil adéquat, qui pourrait être un établissement public d'aménagement, une opération d'intérêt national ou une structure ad hoc. Toutes ces options sont sur la table. Les discussions sont en cours au sein du comité de haut niveau et les solutions préconisées passeront par des modifications législatives. Il appartient également aux territoires de se prononcer sur la manière dont ils souhaitent accompagner ce projet.

En ce qui concerne les coûts de Cigéo, aux pages 84 et 85 du rapport d'information figure un exposé très détaillé des évaluations de l'ANDRA. Nous disposons, en outre, de deux évaluations : la première a été réalisée en 2005 par un groupe de travail de la direction générale de l'énergie et des matières premières et constitue une base pour évaluer les provisions des producteurs ; la seconde, dont le chiffrage est plus élevé, a été publiée en 2009. Nous nous apprêtons à définir un nouveau chiffrage, établi par un groupe de travail présidé par la direction générale de l'énergie et du climat. Il s'agit avant tout d'un processus d'ingénierie et de convergence, car déterminer un coût ne consiste pas seulement à écrire un chiffre au bas d'un document, mais à le mettre en face du projet de l'ANDRA. Or celui-ci, au fil du temps, est de plus en plus détaillé. Nous souhaitons que la prochaine évaluation repose sur un projet consolidé proche de ce que l'ANDRA présentera dans sa demande d'autorisation.

Quant à la suite du processus, l'ANDRA soumettra, à la fin de l'année 2013, une proposition en fonction de l'avancée concrète du processus et cette proposition sera soumise pour avis à l'ASN.

S'agissant de l'arbitrage entre coût et sûreté, les choses sont claires. L'ANDRA, dont vous avez souligné l'indépendance, est le maître d'ouvrage du projet Cigéo et c'est elle qui proposera les modalités de conception et le chiffrage correspondant. L'avis de l'ASN nous permettra de nous assurer que ce chiffrage repose sur des bases autorisables et les producteurs de déchets, indépendants de l'ANDRA, feront valoir leurs arguments puisque c'est à eux, in fine, qu'il reviendra de payer la facture, en application du principe pollueur–payeur. Sur la base de ces avis, le ministre chargé de l'énergie arrêtera le coût de Cigéo et permettra, le cas échéant, de revoir les provisions des producteurs.

J'en viens à l'inventaire des matières et déchets appelés à être stockés dans Cigéo et à la question des mélanges d'oxydes (MOX). Leur recensement précis est une question importante qu'il convient d'analyser dans le détail. C'est d'ailleurs ce qui a été demandé au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, qui a présenté un rapport exhaustif sur la question, avec des chiffrages différenciés selon différentes hypothèses et après avoir procédé à de nombreuses auditions. Ce rapport, adopté à l'unanimité par les membres du Haut comité, est extrêmement clair sur le statut des combustibles usés MOX.

Il est bien évident que, dans la politique actuelle, les MOX ne font pas partie de l'inventaire de Cigéo en tant que combustibles usés. On considère qu'ils pourront être retraités à l'avenir dans une filière de quatrième génération, si toutefois celle-ci voit le jour. En revanche, les déchets vitrifiés issus de ce traitement font partie de l'inventaire.

Ceci étant, et c'est l'esprit du projet Cigéo, il ne s'agit pas aujourd'hui de décider pour un siècle ni de la politique énergétique, ni du déroulement concret, année après année, du projet Cigéo, mais de faire un premier pas et d'offrir la démonstration scientifique et technique que nous sommes capables de gérer en toute sûreté les déchets produits par notre génération tout en conservant une certaine flexibilité quant à la mise en place de la réversibilité. Une étude a été demandée à l'ANDRA, dans le cadre du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, sur la faisabilité d'un stockage de combustibles MOX irradiés. Si nous décidions de changer d'orientation, ce serait tout à fait possible puisque nous n'aurons pas, après les premières années d'exploitation de Cigéo, franchi des étapes rédhibitoires qui empêcheraient de gérer ces combustibles MOX.

J'en viens aux moyens dont dispose la Commission nationale du débat public. Il est délicat pour moi de répondre à cette question car la Commission, qui a pour mission d'organiser les débats publics, est une autorité administrative indépendante. Ayant constaté des difficultés dans le déroulement des réunions, elle en a tiré les conclusions en organisant le débat différemment. Quant aux outils dont l'État devrait se doter pour faire en sorte que les réunions publiques puissent avoir lieu quoi qu'il arrive : je ne peux que confirmer que de tels outils n'existent pas. En effet, il n'est permis ni de filtrer les gens à l'entrée d'une réunion publique – car, alors, elle ne serait plus publique – ni d'organiser des réunions publiques sur invitation et, une fois que les gens sont dans les lieux, et à partir du moment où ils ne sont pas violents et n'enfreignent pas les règles communes, rien ne permet de les empêcher de prendre la parole et de faire du bruit. Il appartient au Parlement de réfléchir aux moyens qu'il convient d'accorder à la CNDP.

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