Intervention de Marie-Claude Dupuis

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ANDRA :

La question des risques se trouve au coeur de nos travaux. L'ANDRA mobilise ses compétences et son énergie depuis 1991 sur la sûreté à long terme et, depuis la loi de 2006, dans le cadre de notre projet industriel, sur la sûreté opérationnelle du stockage pendant l'exploitation.

Les risques liés à la présence d'hydrogène et les incendies sont au coeur de nos recherches et de nos études. Nous avons parfaitement conscience que le projet ne sera autorisé que si nous avons convaincu l'IRSN et l'ASN que nous maîtrisons bien tous les risques.

À ceux qui prônent le stockage ou l'entreposage temporaire en subsurface en tant que solutions alternatives, je réponds qu'en milieu souterrain, à une profondeur de 50 mètres, il existe les mêmes risques d'incendie et liés à l'hydrogène dégagé par les colis. Ces risques sont évalués et leur maîtrise est au coeur de nos travaux.

Les premières personnes concernées par les risques des futures installations sont les chercheurs et les ingénieurs de l'ANDRA qui travaillent sur le projet Cigéo et dont la première préoccupation est de se protéger. Je tiens à le rappeler. La direction générale de la sécurité civile, les pompiers de Paris et les services départementaux d'incendie et de secours de la Meuse et de la Haute-Marne sont associés à nos travaux pour intégrer la maîtrise de ces risques et des moyens d'intervention dès la conception du projet.

Les travaux de l'IEER (Institute for Energy and Environmental Research) ont été cités à juste titre, puisque le comité local d'information et de suivi, qui suit nos travaux, a demandé à deux reprises à cet expert américain de réaliser des contre-expertises. Le rapport de l'IEER a été cité en partie dans les remarques qui nous ont été faites et nous avons transmis nos réponses au comité. Il aurait été intéressant de citer le rapport de l'IEER dans sa totalité, car il mentionnait également que le stockage géologique était la seule solution capable de mettre ce type de déchets en lieu sûr et, par ailleurs, il saluait la qualité de la recherche scientifique de l'ANDRA.

Comment garantir les risques sur une durée de cent ans ? L'ANDRA n'ignore nullement qu'elle ne recevra jamais un « chèque en blanc » de la part de l'ASN et du Gouvernement. Le stockage sera construit de manière très progressive, un rendez-vous est prévu tous les dix ans pour faire le point, et l'ANDRA propose le tout premier bilan seulement cinq ans après la mise en service de Cigéo.

S'agissant des coûts, il faut cesser d'opposer sûreté et maîtrise – ou optimisation – des coûts. La sûreté sera l'exigence première, ce qui ne nous empêche pas de rechercher l'optimisation économique. Les deux peuvent être totalement décorrélées – je vous en donne un exemple : le dimensionnement des installations de surface de colis de déchets doit être établi en fonction du flux de déchets, sur lesquels EDF, le CEA et Areva doivent s'accorder ; sachant que les déchets de moyenne activité sont très variés, la réponse industrielle de l'ANDRA sera adaptée à la demande, ce qui entraînera un coût mais ne remettra pas en cause la sûreté.

Par ailleurs, il est quelque peu prématuré de parler de dérapage des coûts. La conception industrielle de Cigéo a commencé en 2012 et son coût n'a pas encore été arrêté ; il ne peut donc pas avoir dérapé. Je rappelle également que ce qui est demandé à l'ANDRA est un exercice inédit : alors que personne ne requiert d'un industriel de chiffrer l'exploitation de son installation pendant cent ans, on nous demande, dans le cadre de nos discussions avec les producteurs, quel sera pendant cent ans le nombre de pièces de rechange et combien de gardiens il faudra prévoir… C'est difficile à dire, car, dans cent ans, nous aurons peut-être des drones pour surveiller le stockage !

La question des coûts est complexe, mais elle représente des enjeux très concrets pour les entreprises EDF, Areva et le CEA, puisque la loi exige qu'ils sécurisent les sommes nécessaires. Quoi qu'il en soit, les réévaluations auront lieu régulièrement et l'ANDRA fournira un chiffrage estimatif. Elle présentera les hypothèses et les données qui seront appelées à évoluer en fonction des connaissances et de l'évolution des techniques.

Un mot sur la culture scientifique. L'ANDRA souhaite valoriser son savoir-faire et tout d'abord en Meuse et en Haute-Marne. Le ministère de la recherche a labellisé « Infrastructure nationale de recherche » l'ensemble constitué par le laboratoire souterrain, l'observatoire pérenne de l'environnement – un outil unique en France en matière de surveillance de l'environnement – et l'Écothèque destinée à conserver les échantillons. Nous avons proposé à l'État de créer un campus universitaire et un centre de formation pour former des étudiants aux techniques d'observation et de mémoire de l'environnement et de la terre. C'est un beau sujet qui pourrait aisément nourrir un projet de territoire.

Pour ce qui est de la vulgarisation, il faut rappeler le rôle du comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain, composé de bénévoles représentant les parties prenantes du territoire et qui a, entre autres, pour mission de vulgariser les documents et les propos de l'ANDRA.

Si la butte de Pierrelatte et les autres sites historiques n'étaient pas mentionnés dans les inventaires de l'ANDRA avant 2000, c'est tout simplement parce que l'inventaire des déchets a été créé à cette date et qu'il n'existait pas auparavant sous cette forme.

La diffusion du savoir-faire français à l'étranger est l'une des missions que nous a confiées la loi. Nous entendons toutefois concentrer nos forces sur les projets nationaux. Cela dit, nous sommes prêts à aider d'autres pays à progresser en matière de gestion à long terme de leurs déchets, car le modèle français – qui prévoit le contrôle parlementaire et la création d'une agence publique dédiée – est un exemple pour de nombreux pays.

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