Intervention de Sylvain Granger

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Sylvain Granger, directeur de la division du combustible nucléaire à EDF :

S'agissant des coûts, je suis parfaitement d'accord avec Marie-Claude Dupuis : il ne faut pas opposer la question des coûts à la sûreté. Pour ma part, je préfère parler de coûts maîtrisés, car le contraire, à savoir des coûts non maîtrisés, ne correspond pas à l'objectif du projet. J'ajoute que des coûts maîtrisés sont ce que l'on attend de gens qui font leur métier avec professionnalisme et que ce ne sont nullement des coûts bas, obtenus au détriment de la sûreté.

Je suis également d'accord avec Mme Dupuis sur le fait qu'il ne faut pas confondre les objectifs et les exigences, qu'il s'agisse de sûreté ou d'efficacité industrielle. Indépendamment de la sûreté à long terme et du risque de migration d'éléments radioactifs dans la biosphère, il convient avant tout de sécuriser les personnels qui vont intervenir dans les phases de chantier et d'exploitation. C'est pourquoi nous devons nous intéresser à une autre forme de sûreté, la sûreté opérationnelle, qui relève de l'efficacité industrielle. Ainsi, au moment du creusement, il faudra prendre garde à ne pas abîmer la roche pour éviter des microfissures qui pourraient être dommageables à la sûreté à long terme du stockage.

L'ANDRA a évalué différentes techniques de creusement. Nous en avons discuté ensemble et proposé des techniques alternatives comme l'usage d'un tunnelier. J'ai le sentiment que les avis de l'ANDRA convergent vers cette technique, sous réserve que les tests de vérification soient concluants.

Il s'agit d'un projet complexe qui exige que nous avancions résolument mais sans brûler les étapes, car passer d'une phase de recherche à une phase d'ingénierie est toujours complexe, surtout s'agissant d'un projet de cette ampleur. Ce n'est pas un hasard si nous procédons à une analyse de la valeur lorsque nous passons de la phase de recherche aux premières esquisses d'ingénierie. Cette analyse de la valeur, qui permet de dégager rapidement des pistes d'optimisation, nous permet souvent de dégager des gains substantiels, jusqu'à 70 % du premier chiffrage. Cette analyse a permis à l'ANDRA d'identifier plus de cent pistes d'optimisation. En clair, il faut laisser travailler les personnes et prendre le temps qu'il faut pour établir des chiffres réels.

Les chiffres de 15 et de 35 milliards d'euros n'ont pas beaucoup de signification, car ils correspondent à un chiffrage qui nous permet d'assurer la sécurisation financière du projet. Nous devons nous assurer qu'une partie du coût de l'électricité que nous faisons payer à nos clients servira à financer le développement du stockage. Pour cela, nous avons besoin non d'un coût brut, mais d'un coût actualisé, qui correspond à la somme que nous devons placer aujourd'hui, avec un rendement prudent, pour disposer demain de la somme nécessaire. Or disposer dans quelques années de la somme de 15 milliards d'euros revient, dans nos comptes, à placer aujourd'hui 5 milliards d'euros dans des conditions prudentes.

S'agissant du débat public, je souscris à 100 % aux propositions de Bertrand Pancher. Sur un sujet aussi complexe, si nous voulons que le public se fasse une idée sur le vrai, le faux et l'incertain, nous devons organiser le plus grand nombre possible de débats contradictoires. Comment nous assurer que ce débat contradictoire aura bien lieu ?

Sur un certain nombre de sujets complexes, la vulgarisation n'est pas inutile. Je suis tout à fait favorable à la proposition qui a été faite d'étudier ce qui a été fait dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne.

J'ai le sentiment que certains font une confusion entre matières valorisables et déchets. Beaucoup déplorent la présence d'uranium appauvri dans nos sols, mais nous ne serions pas mécontents de découvrir de l'uranium, du charbon ou du pétrole dans notre sous-sol qui est particulièrement pauvre en matières premières, ce qui pose des problèmes en termes de balance commerciale. Actuellement, nous importons l'uranium naturel dont nous avons besoin. L'utilisation dans le réacteur actuel n'étant que très partielle, l'uranium restant, notamment appauvri, pourrait être utilisé dans de nouveaux types de réacteur. Certes, si les nouvelles filières industrielles capables d'utiliser ces matières ne se développent pas, il faudra se résoudre à une solution de stockage. Cette solution est étudiée par l'ANDRA, en lien avec les producteurs, dans le cadre du plan national de gestion des déchets radioactifs. Mais veillons à ne pas « jeter le bébé avec l'eau du bain » et à ne pas obérer de nouvelles filières industrielles en devenir.

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