Intervention de Yannick Rousselet

Réunion du 2 octobre 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France :

Pour ne pas être totalement négatif, je tiens à souligner que l'inventaire de l'ANDRA, le PNGMDR et les rapports du Haut comité sont des outils de réflexion collective très rares dans le monde et dont je me félicite.

Faut-il associer ou dissocier la production d'énergie et les déchets ? Demain, la gestion énergétique impactera directement la manière dont nous gèrerons nos déchets. Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, nous contenter de dire que ce sont deux problèmes différents. J'en veux pour preuve les combustibles MOX qui ne sont pas retraités, bien que technologiquement nous sachions le faire – puisque nous avons réussi, en 1994, à retraiter 14 tonnes de combustibles MOX allemands, en les diluant avec de l'oxyde classique. Pour le moment, nous ne savons pas retraiter du MOX sans le diluer. Nous avons aujourd'hui trop de combustibles irradiés par rapport à que ce que nous sommes capables de retraiter, mais nous ne pouvons en retraiter davantage car cela nous obligerait à produire du plutonium. La question est importante, mais nous avons tendance à l'évacuer, ce qui pose un problème.

Les deux sujets se percutent. Si demain nous arrêtons la filière nucléaire ou si nous la diminuons, cette décision aura une influence considérable sur la manière dont nos concitoyens accepteront la gestion des déchets. Si, dans une situation de face out, ils peuvent admettre la responsabilité collective de l'héritage, c'est moins vrai si le devenir des matières radioactives et des déchets n'est pas clairement défini.

Lorsqu'on nous dit que l'uranium de retraitement pourrait être utilisé un jour, cela signifie qu'on a décidé implicitement qu'il le sera. Si nous avons tant de difficultés, c'est qu'un grand nombre de nos concitoyens pensent que leur avis ne sert à rien, puisque tout est déjà décidé. Et j'ai l'impression que la manière dont nous traitons le sujet autour de cette table amènera nos concitoyens à se demander à quoi sert le débat public, puisque vous avez déjà pris des décisions. (Divers murmures).

Souvenons-nous du débat sur l'EPR de Penly, dont le Président de la République avait annoncé la construction avant que celle-ci ne soit décidée. Nous payons cet héritage. Je me souviens d'une audition, ici même, au cours de laquelle j'ai demandé à la représentante de l'ANDRA d'éviter de parler du projet Cigéo au futur de l'indicatif – je constate d'ailleurs que Mme Marie-Claude Dupuis prend désormais des précautions oratoires et utilise le conditionnel. (Sourires). Si nous voulons que les Français parlent librement d'un sujet, il faut qu'ils aient le sentiment que cela sert à quelque chose.

En ce qui concerne les rejets de La Hague, il est certain que tant que notre pays mènera une politique de retraitement, nous rejetterons dans la Manche des produits radioactifs, au prorata du nombre de tonnes retraitées.

J'en viens à l'image du champagne. Vous ne pourrez pas empêcher les personnes de faire la liaison entre les événements. Les normes sanitaires sont obligatoires pour l'alimentation ou l'eau – et c'est bien naturel – mais, pour des produits de luxe et de plaisir comme le vin et le champagne, il suffit de lire ici ou là qu'ils contiennent du tritium pour que leur image en pâtisse. Le projet comporte-t-il un risque pour le champagne ? Si c'est le cas, il nous faut étudier la progression des eaux en direction du bassin parisien pour détecter un éventuel problème. Mais préoccupons-nous en maintenant, sans attendre d'être obligés de casser le thermomètre pour nous cacher que la température est trop élevée.

Je me souviens du temps où notre organisation se faisait insulter simplement parce qu'elle avait osé parler des rejets de La Hague. Depuis, les normes ont diminué les seuils de rejets. Les vins du Tricastin viennent de changer de nom, parce que la présence de la centrale nuisait à leur image, bien que les vignes ne soient pas situées sur le bassin versant, contrairement à certains vins de la région – plaine du Codolet, Chusclan – qui peuvent contenir du tritium. Il est facile d'évacuer la question de l'image avec des mots, mais en réalité, comme le dit Denis Baupin, à l'autre bout du monde, en Australie ou aux États-Unis, la distance de 70 kilomètres paraît bien petite. Le journal allemand Der Spiegel a illustré une photographie du champion du monde de rallye automobile Sébastien Loeb s'arrosant de champagne avec la question suivante : « En France, pourra-t-on encore boire du champagne dans quelques années ? » Que vous le vouliez ou non, nous devons prendre en compte la question de l'image.

L'information sur les transports de produits dangereux mérite la transparence la plus totale. L'ASN nous affirme que les transports répondent aux normes de sécurité. Je reconnais que les transports de déchets vitrifiés ne sont pas des cibles pour les terroristes.

Quant aux déchets anciens, M. Douillet, la première lettre que l'ASN a adressée à la Cogema pour lui ordonner de reprendre ses déchets dans les fosses anciennes date de 1998. Une dizaine de lettres ont suivi pour ordonner à Areva de s'occuper de ces déchets. Il semble qu'Areva ait désormais réalisé un vrai travail en ce sens, mais, pour des raisons budgétaires ou techniques, certaines opérations ont été reportées.

La future loi sur la transition énergétique contiendra un volet sur la sûreté. Dans ce cadre, il appartiendra aux parlementaires de donner à l'ASN les moyens de mettre en place des sanctions graduelles. La ministre Delphine Batho avait proposé d'instaurer des astreintes par jour de retard. Pourquoi ne pas envisager cette solution ou tout autre moyen réellement coercitif qui permettra à l'Agence de contraindre les exploitants ?

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