Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 2 octobre 2013 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, de la mer et de la pêche :

Je vous remercie, messieurs les présidents, de m'avoir convié à cette audition. Il me semble d'ailleurs que c'est la première fois que je suis auditionné par la commission des Finances depuis ma prise de fonction. Ayant été invité à m'exprimer sur ces trois thèmes, je commencerai par évoquer la réforme ferroviaire, dont les grands axes ont été présentés en mai dernier. Il nous faut en effet réformer un système dont les dysfonctionnements se caractérisent par une détérioration de la qualité du service rendu, une forte dégradation de la situation financière – la dette de RFF s'élevant à 32 milliards d'euros et à 40 milliards d'euros pour l'ensemble du secteur ferroviaire – et l'absence de cadre social commun à l'ensemble des opérateurs ferroviaires. Le calendrier de cette réforme se précise : actuellement à l'étude devant le Conseil d'État, le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 16 octobre prochain.

Ce texte repose sur trois grands thèmes : la structuration d'un service public ferroviaire renforcé et qui soit davantage piloté par l'État ; la création d'un groupe public industriel intégré ; et la modernisation du réseau. L'actualité dramatique a d'ailleurs donné encore plus de relief aux engagements pris antérieurement par le Premier ministre quant à la nécessité de moderniser le réseau existant et d'améliorer l'efficacité des infrastructures.

Sur le premier point, il s'agit de réformer non pas uniquement la SNCF, mais l'ensemble du ferroviaire – on recense en effet une vingtaine d'acteurs dans ce domaine. Il convient d'assurer l'efficacité du système car il s'agit du patrimoine même de notre nation. Pour cela le projet de loi prévoit de créer un Haut comité du ferroviaire qui associera tous les acteurs du secteur : les élus, les régions, les entreprises et les organisations syndicales. Nous améliorerons également la coordination des autorités organisatrices de transport et ferons en sorte d'assurer la qualité, la continuité, la sécurité et la sûreté du transport ferroviaire.

Le deuxième pan de cette réforme vise à la création d'un groupe public industriel intégré. Il convient en effet de redéfinir et de clarifier les missions de chacun, de regrouper la gestion de l'infrastructure en un pôle unique, et ainsi de disposer d'un groupe public industriel qui soit préparé à l'ouverture à la concurrence prévue – au plus tôt – pour 2019. Le projet de loi prévoit donc la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – « mère », la SNCF, dont dépendront deux autres EPIC : le gestionnaire d'infrastructure – regroupant tous les services gérant cette dernière, et dénommé SNCF réseau – et l'exploitant ferroviaire – dénommé SNCF mobilité. La place de l'État est réaffirmée et la représentation nationale sera associée régulièrement à la définition de la stratégie ferroviaire. Quant au groupe intégré, l'EPIC de tête désignera un tiers des membres des conseils d'administration du transporteur et du gestionnaire d'infrastructure unifié – GIU. Il déterminera la stratégie, la cohérence et l'intégration industrielle de l'ensemble du secteur ferroviaire.

Cette réforme devra également revêtir une dimension économique et sociale. Car si nous ne préparons pas le service public ferroviaire à la réalité de l'ouverture à la concurrence, il se retrouvera dans la même situation de compétitivité inégale entre les acteurs que celle du fret il y a quelques années. Il nous faudra donc clarifier les financements de ce service public. Ainsi, puisque l'infrastructure relève du patrimoine de l'État, c'est à celui-ci qu'il revient d'assurer le financement de son développement et on doit cesser de laisser RFF s'endetter par facilité pour financer les nouvelles infrastructures. Le rôle de financement des infrastructures que joue l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – doit donc être réaffirmé. Il conviendra aussi d'assurer une meilleure synergie industrielle et d'optimiser l'offre ferroviaire afin de rétablir l'équilibre financier du secteur et de stabiliser la charge de la dette.

Afin d'anticiper certaines questions, je soulignerai que notre réforme est tout à fait compatible avec la réglementation européenne. J'en suis d'autant plus convaincu que j'entretiens des échanges réguliers avec le commissaire Siim Kallas. Pour que cette réforme soit « eurocompatible », il convient notamment que le régulateur soit renforcé et garantisse l'impartialité du gestionnaire d'infrastructure en termes d'accès au réseau et de tarification des péages. Nous attendons désormais les conclusions du Conseil d'État et de l'Autorité de la concurrence, ainsi que le fruit des réflexions découlant de nos échanges et du travail parlementaire.

Je ne manquerai pas de répondre à vos questions relatives aux relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes et au rapport que la Cour des comptes a consacré à ce thème – rapport qui couvre la période 2009-2012 et dont il convient à présent de suivre les recommandations. Cela tombe d'autant mieux que nous en avons anticipé plusieurs. Ce rapport confirme ainsi à quel point la rigueur avec laquelle le Gouvernement actuel entretient ses relations contractuelles avec les concessionnaires d'autoroutes est justifiée. Les conditions défavorables dans lesquelles nos autoroutes ont été privatisées en 2006 n'ont pas permis à l'État de défendre les intérêts publics et n'ont pas non plus facilité la bonne exécution des contrats de concession – ainsi que le précise la Cour des comptes. Cette privatisation fut une erreur, comme l'illustre aujourd'hui le problème du financement des infrastructures de transport. Nombre de voix s'élèvent d'ailleurs pour la dénoncer, quel que soit le positionnement des députés concernés dans l'hémicycle. Il nous faut en effet non seulement régler ce problème de financement, mais également subir des relations déséquilibrées entre les sociétés concessionnaires et l'État, fondées sur des clauses contractuelles elles-mêmes souvent très complexes et mettant ce dernier en difficulté. Sans doute eût-il fallu, avant même la privatisation, modifier la nature de ce lien contractuel. Mais, cela n'ayant pas été fait, nous nous trouvons liés par ces stipulations. S'il n'est nullement question aujourd'hui de renationalisation, les préconisations de la Cour des comptes doivent cependant nous conduire, d'ici au terme des concessions, à l'horizon 2032, à nous doter d'outils juridiques nous permettant de nous affranchir de ces difficultés.

La Cour des comptes dénonce, par le biais de remarques sévères mais justifiées, un manque de rigueur dans les relations entre l'État et les concessionnaires sur la période 2009-2012.

Cela concerne tout d'abord la tarification, qui a augmenté de 2,24 % en 2011 et de 2,45 % en 2012, mais que nous avons en revanche limitée à 2 % en 2013 – soit une évolution en net recul par rapport aux années précédentes. Nous avons en outre transmis à nos services l'instruction de contrôler avec précision les grilles tarifaires et leur évolution, la réalité des travaux effectués et de mieux évaluer les contrats de plan quinquennaux et les investissements qu'ils prévoient. On a injustement reproché au ministère des Transports d'être insuffisamment armé pour faire face, seul, aux sociétés concessionnaires d'autoroutes puisque la concertation en ce domaine est interministérielle : j'ai notamment associé le ministère des Finances à ces négociations.

Par ailleurs, les sociétés concessionnaires d'autoroutes investissent 2 milliards d'euros dans les réseaux, dont 50 % sont consacrés au maintien et 50 % à des opérations nouvelles. Afin d'améliorer l'expertise de ces investissement, nous faisons systématiquement réaliser des contre-expertises des chiffres annoncés par ces sociétés. En outre, pour les nouveaux investissements, nous avons fixé depuis un an des règles claires concernant le niveau de leur rentabilité. À l'avenir, il n'y aura pas de taux de rentabilité interne – TRI – supérieur à 8%. Nous avons également revalorisé de 50 % le montant de la redevance domaniale, soit une augmentation de 100 millions d'euros par an dont profite le budget de l'AFITF. Une telle hausse est légitime – la redevance n'ayant jamais été actualisée – et soutenable, compte tenu de la réalité économique. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes enregistrent en effet un résultat net de 2 milliards d'euros, pour 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il convenait donc que l'État fasse preuve de plus de rigueur en la matière. Nous exerçons par ailleurs un contrôle serré sur les concessionnaires afin d'améliorer les conditions d'accès des PME aux marchés de travaux sur les réseaux autoroutiers et avons aussi renforcé le rôle de la Commission nationale des marchés.

Enfin, le report de l'écotaxe poids lourds ne relève pas d'un choix ; cela représente plutôt une contrainte budgétaire pour l'État et pour l'AFITF. S'il nous a fallu nous résoudre à cette décision, c'est que le système présentait des défauts techniques remettant en cause l'efficacité des études et mesures réalisées dans le cadre de la marche à blanc, mais qui sont désormais sur le point d'être corrigés. Le délai supplémentaire de trois mois, loin de constituer une perte de temps, permettra aux entreprises de continuer à s'enregistrer et donc d'accroître l'étendue de la flotte participant à la marche à blanc et, partant, de disposer de résultats plus précis.

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