Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 2 octobre 2013 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, de la mer et de la pêche :

Nous reviendrons sur le sujet lors de l'examen du budget, mais ce n'est plus vraiment le cas, monsieur Carrez. L'application aveugle du principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a fait des ravages au sein du ministère de l'Équipement. Si l'on y ajoute l'absence d'une politique des transports, on comprend mieux la situation dramatique que nous avons trouvée.

Il reste que l'appréciation de la Cour est sévère. Elle serait justifiée si des consignes avaient été données afin de rendre les contrôles plus souples, mais si cela avait été le cas, il faudrait que nous le sachions. Pour ma part, j'ai demandé que l'État, l'intérêt général et le bien public soient défendus avec rigueur et exigence. À mon sens, l'administration du ministère des Transports, qui doit être exemplaire, a aujourd'hui les moyens d'agir et d'entretenir un rapport équilibré avec ceux qui gèrent le domaine public. Sur ce sujet, j'ai souhaité associer tous les ministères concernés : ce n'est pas un aveu de faiblesse ; c'est plutôt une méthode de travail.

Nous payons cher les conditions expéditives dans lesquelles s'est déroulée la privatisation de 2006 ; nous les paierons encore longtemps. Votre analyse était la mienne, monsieur Carrez : je suis sûr que nous aurions été heureux de bénéficier aujourd'hui des profits dégagés par les sociétés d'autoroutes – 2 milliards d'euros de résultat net – pour investir et créer de l'emploi.

Monsieur Philippe Duron, je salue la très grande qualité du travail effectuée par la commission Mobilité 21 que vous présidiez, au sein de laquelle toutes les sensibilités politiques étaient représentées. Le Premier ministre a retenu un scénario ambitieux qui permettra, d'ici à 2030, de consacrer 30 milliards d'euros aux investissements dans les nouvelles infrastructures de transport pour une mobilité durable. Cet effort s'inscrit dans une stratégie globale en matière de transport : 30 milliards seront également consacrés à la modernisation des réseaux existants, notamment dans le cadre des contrats de plan entre l'État et les régions, et une somme équivalente permettra de mettre en oeuvre le plan de modernisation ferroviaire engagé par RFF. Alors que le schéma national des infrastructures de transports – SNIT – n'offrait aucune lisibilité, nous disposons désormais d'une méthode et d'un mode d'emploi pour agir, en termes tant de budget et de calendrier que de mode de concertation. Le Parlement sera associé à cette démarche. Nous nous apprêtons à nous tourner vers les territoires afin d'engager le volet mobilité de la contractualisation État-régions.

Nos budgets sont conçus de manière à garantir tous les financements nécessaires, en particulier les financements exigibles. Nous mettons sur pied une véritable fiscalité environnementale avec l'écotaxe poids lourds et avec des recettes de substitution, mais sans pour autant diminuer toutes les subventions publiques. À l'horizon 2015, le Gouvernement s'est ainsi engagé à sanctuariser 400 millions d'euros destinés à l'AFITF en plus de l'écotaxe poids lourds. Le budget de l'agence sera donc porté de 2,2 à 2,5 milliards d'euros d'ici à 2017. Par ailleurs, il nous reviendra de trouver ensemble les ajustements rendus nécessaires par le report de l'entrée en vigueur de l'écotaxe poids lourds.

L'impartialité et l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure unifié doivent être garanties – ce sera le rôle du régulateur d'y veiller –, mais cela n'enlève rien à la nécessité de disposer d'un groupe intégré. En effet, les dysfonctionnements actuels s'expliquent sans doute par l'éclatement des responsabilités entre RFF, SNCF Infra et la direction de la circulation ferroviaire – DCF. Le drame de Brétigny est peut-être l'une des conséquences de cette complexité et d'un manque de coordination. Le regroupement dans un EPIC unique permettra une réelle simplification en même temps qu'il sera une garantie d'impartialité.

Les interventions de M. Martial Saddier et de M. Bertrand Pancher ne sont pas caractérisées par la pondération. « Ministre de l'abandon », dites-vous ! Mais de quoi parlez-vous ? Je dois aujourd'hui assumer des mensonges d'État, des promesses données jusqu'au plus haut niveau de l'État qui ne reposaient que sur un financement en fausse monnaie ! S'il n'y a pas « abandon », il y a bien eu, en effet, mensonge s'agissant des 245 milliards d'euros de projets du SNIT : ils n'étaient pas financés. Vous avez bercé les territoires de promesses qui ne pouvaient pas être tenues ! Aussi je vous invite à modérer vos propos. Si le contournement de Strasbourg ne se fait pas, c'est parce que le partenariat public-privé est un échec ; si le canal Seine-Nord Europe ne se fait pas, c'est parce que vous n'avez pas su demander à l'Europe les subventions nécessaires. Vous avez engagé à crédit la construction simultanée de quatre lignes à grande vitesse en mettant l'AFITF en difficulté : 200 millions d'euros seront gagés pendant vingt ans pour deux d'entre elles, parce que vous ne disposiez pas du début du commencement d'un financement. Qui est irresponsable ?

En ce qui me concerne, je signerai dans quelques jours le contrat permettant la réalisation de la rocade L2 à Marseille alors que ce projet était en jachère depuis vingt ans, que des travaux ont été engagés et de l'argent public gaspillé. En matière de grands travaux, certains engagements ont été tenus, comme le contournement de Nîmes et de Montpellier ; d'autres chantiers se poursuivront – je pourrais en dresser toute une liste.

En ce qui concerne l'écotaxe poids lourds, vous n'avez pas de mots assez durs à notre endroit alors que le courage vous a manqué pour la mettre en place. En effet, en 2009, alors que nous avions voté avec vous la loi dite « Grenelle 1 » qui comportait cette mesure, vous n'avez pas été capables de transformer votre discours en actes. Vous avez multiplié les reports, ce qui n'a pas contribué à crédibiliser un dispositif innovant. Il aurait été préférable, ensuite, de nous laisser faire plutôt que de susciter une contestation générale en signant à la va-vite, sur un coin de table, le jour même de l'élection présidentielle, un décret d'application. Pour notre part, nous veillerons à ce que l'écotaxe soit en vigueur le 1er janvier prochain, dans le cadre d'un dispositif sécurisé qui concernera tous les transporteurs. J'ai rencontré ceux-ci il y a quelques jours, je les réunirai à nouveau demain, pour une table ronde : ils ont tout à gagner à ce que nous sortions au mieux de la situation qui nous a été laissée.

S'agissant du transport ferroviaire, vous vous interrogez sur « l'eurocompatibilité » avec un quatrième paquet qui n'est pas encore voté ! Nous ne nous soumettons pas aux textes issus de la Commission européenne : ce n'est plus la politique de la France. Ils font l'objet de discussions, de propositions d'amendements de notre part. Rompant avec la pratique précédente, les ministres concernés sont présents à chaque conseil des ministres européen. Pour ma part, je me rends à tous ceux qui sont consacrés aux transports ou à la pêche. Je rencontre également les parlementaires européens, et j'assiste aux réunions informelles organisées par le commissaire chargé des transports, M. Siim Kallas, ou par la commissaire chargée des affaires maritimes et de la pêche, Mme Maria Damanaki. Je vais partout où il est indispensable de faire valoir les arguments de la France. Le quatrième paquet ferroviaire est encore loin d'être définitivement arrêté, et nous jouons notre partie dans son élaboration afin que soient prises en compte l'histoire et la position de notre pays. J'y insiste donc, monsieur Nicolas Sansu, nous ne nous soumettons pas ; au contraire, la France qui était isolée est devenue acteur de la politique européenne des transports.

Le débat parlementaire sur le texte actuellement soumis au Conseil d'État permettra de lever les inquiétudes qui se sont exprimées concernant l'ARAF, son champ de compétence, le contrôle des perspectives financières, la nature de l'avis qu'elle émet sur la nomination du président du GIU…

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