Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 7 octobre 2013 à 21h30
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

…monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, ce projet de loi traduit enfin une véritable prise en compte de la pénibilité au travail, avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Je suis heureux que le dispositif préconisé dans le rapport Moreau ait été retenu.

Le sujet en lui-même, ainsi que la simplicité et la lisibilité du mécanisme proposé, auraient pu faire consensus. Or, si notre groupe a participé à l’amélioration du texte en commission, j’ai personnellement regretté les amendements de suppression de l’article 6 défendus par l’opposition.

En effet, la pénibilité transcende les choix partisans. Elle fut reconnue dès 1975, lorsque la loi permit à des salariés très exposés par le travail en continu, à la chaîne ou sur les chantiers, de prendre leur retraite à partir de 60 ans, alors que le droit commun était à 65 ans. La loi de 2003 en a fixé le principe, en encourageant les organisations représentatives à négocier, ce qu’elles firent entre 2005 et 2008 pour aboutir à une définition de la pénibilité et à une liste de dix facteurs de risques. Malheureusement, la loi de 2010 a manqué d’ambition sur la pénibilité – notre collègue Jean-Frédéric Poisson l’a implicitement reconnu tout à l’heure – en réduisant la compensation de la pénibilité à un dispositif médicalisé de départ anticipé en cas d’incapacité permanente.

Le fait que seuls un peu plus de 6 500 salariés en soient aujourd’hui attributaires est bien la démonstration d’un échec conceptuel. Pour traiter du problème de la pénibilité, il faut évidemment s’extraire du simple traitement des dommages, d’où l’introduction des volets « formation » et « temps partiel » dans le compte pénibilité.

L’étude d’impact nous rappelle malheureusement qu’à 50 ans, l’espérance de vie des ouvriers est inférieure de près de cinq ans à celle des professions les plus qualifiées – et jusqu’à neuf ans sans incapacité. Deux notes récentes de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, fondées sur l’étude SUMER, Surveillance médicale des expositions aux risques, de 2010, confirment ces données. Entre 1994 et 2010, on a constaté dans le secteur privé – c’est-à-dire dans le champ du projet de loi que nous examinons – une progression du travail posté, ainsi qu’une forte augmentation de l’exposition au bruit : près de 20 % des salariés y sont exposés, et 6 %, essentiellement des ouvriers, le sont très lourdement, au-delà de 85 décibels pendant au moins vingt heures par semaine. Si l’on note une stabilisation globale des contraintes physiques intenses, les ouvriers non qualifiés – encore eux ! – sont toujours les plus exposés à la manutention et à des charges pendant au moins vingt heures par semaine. En sont également victimes aujourd’hui des salariés du commerce et des services, ainsi que des employés administratifs.

La baisse relative des expositions aux produits chimiques cancérogènes, ou probablement cancérogènes, entre 2003 et 2010 est liée au drame de l’amiante et au renforcement de la réglementation, et c’est heureux.

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